Les Musiciens et la Grande Guerre (3)

par

Volume VII. Les altistes engagés
Ralph VAUGHAN WILLIAMS (1872-1958)
Romance pour alto et piano
Paul HINDEMITH (1895-1963)
Sonate op. 11 n°4 pour alto et piano
Florent SCHMITT (1870-1958)
Légende pour alto et piano
Charles KOECHLIN (1867-1950)
Sonate op. 53 pour alto et piano
Vincent ROTH (alto), Sébastien BECK (piano)
2014-DDD-60' 53''-Notice en français et en anglais-Hortus 707

Après le violoncelle, par deux fois à l'honneur dans les volumes précédents, place à l'alto. Retrouvée après sa mort et créée en 1962, la Romance de Vaughan Williams date sans doute de 1914 et est dédiée à Lionel Tertis, le grand altiste pour lequel le compositeur écrivit sa Suite pour alto et petit orchestre, ainsi que  Flos Campi. C'est une œuvre construite en arche, mélancolique, et typique de sa jeune maturité. L'opus 14 n°4 (1919) est la première des trois sonates qu'Hindemith, grand altiste devant l'Eternel, a écrite pour son instrument. Plus détendue et plus accessible que ses soeurs, elle dénote un grand charme mélodique, en deux mouvements seulement, une fantaisie émouvante et tendre, puis un thème et variations. La Légende de Florent Schmitt (1919), orchestrée plus tard, est surtout connue dans sa version pour saxophone. Elle ressort de la verve orientaliste du compositeur, et on y retrouve ces "troublants effluves et mystérieuses mélopées" (Yves Hucher) si caractéristiques de l'auteur d'Antoine et Cléopâtre. Dédiée à Darius Milhaud et créée en 1915, la sonate de Koechlin figure également sur ce CD. C’est celle qui se ressent le plus des horreurs de la guerre, dès l’intense adagio initial aux arpèges déchirants. Après un curieux scherzo en forme de mouvement perpétuel, la sonate se termine par un très bref adagio, puis un long final (quasi 12') qui exprime une désolation extrême tout en laissant parfois entrevoir comme une lueur d'espoir. Voilà certainement une oeuvre à découvrir pour beaucoup : l'immense catalogue de Koechlin recèle de précieuses pépites. Vincent Roth fait partie d'une belle dynastie de musiciens : il est le fils de l'organiste Daniel et le frère du chef d'orchestre François-Xavier. La sonorité douce et voilée de son alto convient bien à ces pages douloureuses. Notons aussi que Sébastien Beck joue sur un piano Erard de 1879 ayant appartenu à Gabriel Pierné.

Son 9 - Livret 9 - Répertoire 9 - Interprétation 10

VIII. Célébrations
Pages pour orgue de Kriéger, Hindemith, Nadia Boulanger, Devaere, Widor (*), Stanford, Kelly, Howells, Dupré (*) et Gaul.
Philippe BRANDEIS, à l'orgue de la cathédrale Saint-Louis des Invalides (Paris), Les Cuivres de la Garde Républicaine (*), dir.: Sébastien BILLARD.
2014-85' 38''-Notice en français et en anglais-Hortus 708

Deuxième disque consacré à l'orgue, après le volume VI. Il comprend aussi deux pièces de circonstance avec accompagnement de cuivres. Si celle de Widor n'est qu'officielle et patriotique à outrance, celle de Marcel Dupré est plus intéressante. Intitulée "Poème héroïque" et assez concise (8'), elle renoue avec la pompe berliozienne de la Symphonie funèbre et triomphale, et son thème principal pourrait provenir de la plume de Saint-Saëns par son évidente simplicité classique. Un joli morceau de genre. Les autres pièces du CD, pour orgue seul, ne sont nullement triomphales, au contraire. Trois compositeurs assez inconnus interpellent par leurs accents brillants (Toccata de Kriéger) ou leurs crescendos funèbres (Les Bourdons de Notre-Dame du belge Devaere, déjà rencontré, et la longue montée du  Chant for Dead Heroes de l'Américain, élève de Vincent d'Indy, Harvey B. Gaul). La belle sonate de Charles Villiers Stanford décrit tour à tour la cathédrale de Reims, les armées en action et Verdun. Son compatriote Herbert Howells se montre plus méditatif dans sa Rhapsody de 1918. Plus classiques aussi les Zwei Stücke fur Orgel d'Hindemith, le doux et fluide Prélude de l'Australien Frederick Septimus Kelly ou la Pièce sur des airs populaires flamands de Nadia Boulanger. Dans l'ensemble, par l'originalité de son programme, ce volume VIII surclasse le volume VI, dont les pures transcriptions plombaient un peu l'intérêt. Un temps titulaire de la Madeleine -et donc lointain successeur de Saint-Saëns, Philippe Brandeis est actuellement celui du Grand-Orgue de la cathédrale Saint-Louis des Invalides qu'il fait magnifiquement résonner.
(Attention : dans la notice n'est pas mentionnée de plage 10, on passe directement de la 9 à la 11).

Son 9 - Livret 9 - Répertoire 8 - Interprétation 10

Bruno Peeters 

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