Paysages orchestraux étasuniens
Aaron Copland (1900-1990) : The Tender Land Suite ; Paul Creston (1906-1985) : Saxophone Concerto, Op.26 ; Ulysses Kay (1917-1995) : Pietà ; Walter Piston (1894-1976) : The Incredible Flutist Suite. Anna Mattix, cor anglais ; Timothy McAllister, saxophone alto ; National Orchestra Institute Philharmonic, JoAnn Falletta. 2022. LIvret en anglais. Naxos. 8559911.
Le National Orchestra Institute Philharmonic est une projet de l’University of Maryland aux USA. Chaque année, il regroupe des jeunes talents en phase de professionnalisation qui se retrouvent pour des sessions de travail et des concerts à travers le pays. Depuis quelques années, l’orchestre collabore avec Naxos pour commercialiser des enregistrements qui mettent à l’honneur le patrimoine musical des Etats-Unis d’Amérique. C’est en tout point une initiative remarquable dont on aimerait tant avoir un équivalent ici !
Capté en 2022 sur la scène du Clarice Smith Performing Arts Center de College Park, au nord de Washington, cet album propose des partitions rares mais qui illustrent des facettes de la musique étasunienne au XXe siècle : sens mélodique, naturalisme musical, orchestration brillante... Point d'avant-garde, mais des musiques composées avec efficacité et maîtrises techniques assurées.
Si le nom de Copland est le plus connu de ce programme, la suite de son opéra The Tender Land n’est pas sa partition la plus programmée. En un peu moins de 20 minutes et trois numéros, cette suite se présente dans une veine naturaliste et narrative, tirée de cet opéra qui narre la vie rurale d’une ferme de Midwest. La musique, comme souvent chez Copland, se déploie avec un sentiment de grands espaces, ponctuée de mélodies suggestives et poétiques. L’excellente JoAnn Falletta dirige avec ce qu’il faut de sens des couleurs et de soin apporté aux détails.
Changement de ton avec la joie communicative de Concerto pour saxophone de Paul Creston. Né à New York de parents siciliens, le compositeur semble retrouver un sens des couleurs latines pour une œuvre enthousiasmante qui sonne parfois avec la virtuosité du célèbre Concertino da Camera de Jacques Ibert, autre classique de l’instrument. Timothy McAllister est le grand virtuose américain du saxophone classique, il ne fait qu’une bouchée de cette partition, surmontant avec aisance les difficultés et en ouvrant une large palette de couleurs chaudes : du fauvisme musical.
La Piéta du compositeur afro-américain Ulysses Kay est une courte méditation orchestrale qui met en valeur le cor anglais, gratifié d’une intense partie soliste, parfumée et mélodieuse. Les climats sont apaisés et l’orchestration fait place à une belle mélodie, à la fois simple et touchante.
Figure majeure de la vie musicale des USA et éminent professeur de composition à l’Université de Harvard, Walter Piston est représenté ici par la suite tirée de son ballet The Incredible Flutist, une sorte de "Petrouchka" américaine par l’ambiance de cirque et le brio orchestral d’une succession de morceaux virtuoses et évocateurs. En 11 courtes saynètes, cette suite présente une belle énergie caractérisée par des rythmes et un sens ironique du pastiche avec : une marche circassienne, une danse espagnole, une sicilienne et une polka conclusive.
Tout au long de ce programme, les pupitres du National Orchestra Institute Philharmonic sont absolument renversants tant dans les tuttis que dans les individualités. Le niveau technique de ces jeunes artistes est magistral et exemplaire, surpassant largement tant de phalanges professionnelles ! JoAnn Falletta connaît sur le bout des doigts les ressorts stylistiques de ces musiques et dont elle parvient à rendre l’esprit et le style. La prise de son est par ailleurs excellente et s’impose comme un autre argument en faveur de ce disque jubilatoire qui sort des sentiers battus.
Son : 10 – Livret : 8 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10
Pierre-Jean Tribot