Portrait polonais de Stanisław Skrowaczewski

par

Skrowaczewski A Centennial Tribute. Stanisław Skrowaczewski (1923-2017) : Preludium, Fuga i postludium ; Arthur Honegger (1892-1955) : Symphonie n°2 ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Requiem en Ré mineur, K.626 ; Ennio Porrino (1910-1959) : Sardaigne, poème symphonique ; Goffredo Petrassi (1904-2003) : Concerto pour orchestre ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n°3 “Héroïque” en mi bémol majeur. Stefania Woytowicz, soprano ; Krystyna Szczepańska, mezzo-soprano ; Bogdan Paprocki, ténor ; Witold Pilewski, basse. Warsaw Philharmonic Orchestra and Choir,  direction : Stanisław Skrowaczewski. 1956. Livret en anglais et en polonais. 3 CD FN06 / ACD 266. 

Dans le cadre du Centenaire de Stanisław Skrowaczewski, l’orchestre Philharmonique de Varsovie avec la complicité du label Accord propose un joli coffret en hommage à l’art du musicien. 

Cette parution est passionnante à plusieurs titres. Tout d’abord, elle documente le chef pendant sa jeune période polonaise. En effet, même si ce dernier est l’auteur d’une discographie assez monumentale, ces gravures furent réalisées à partir des années 1970 avec des phalanges étasuniennes, japonaises et européennes, jusqu’à l’âge très avancé d’un chef qui fut un temps le doyen des maestros en activité. 

Plaçons tout  d’abord des éléments de biographie. Né à 1923 à Lwow, en Pologne (aujourd’hui Lviv, en Ukraine), Stanisław Skrowaczewski est un enfant précoce et prodige : il compose sa première oeuvre symphonique à 7 ans et il se produit en soliste du Concerto pour piano n°3 de Beethoven à seulement 13 ans. Mais la Seconde Guerre mondiale bouleverse les plans du garçon : bléssé à la main lors d’un bombardement nazi, il doit renoncer à une carrière de pianiste qui s’annonçait brillante et il se réoriente vers la direction d’orchestre. En 1946, il s’installe  à Cracovie, centre incontournable de la vie musicale de  Pologne. Les compositeurs Andrzej Panufnik et Witold Lutoslawski  encouragent ce jeune homme qui rencontre ses premiers succès au titre de chef d’orchestre. Il obtient aussitôt la direction musicale de l’Orchestre Philharmonique de Wroclaw (Breslau). En 1947, il décide de parfaire sa formation en France avec Nadia Boulanger, légendaire professeure de toute une génération. Il suit également les cours et les conseils d’Arthur Honegger et Paul Klecki, son compatriote compositeur et chef d'orchestre. Il retourne ensuite en Pologne où il obtient des postes auprès des Orchestres Philharmonique de Katowice (1949-1954) et de Cracovie (1954-1956). Il franchit encore une étape en devenant en 1956, l’un des chefs permanents de l’Orchestre Philharmonique de Varsovie, la phalange la plus prestigieuse du pays ! Il occupe ce poste jusqu’en 1959, date charnière car il va progressivement quitter le Vieux continent pour s’installer aux USA dont il obtient rapidement la nationalité tout en prenant la direction du  Minneapolis Symphony Orchestra en 1960.  

 Dès lors, cette parution propose 2 concerts de l’année 1956 et montrent l’ouverture d’un chef, grand défenseur de la musique de son temps. Ainsi deux tubes : le Requiem de Mozart et la Symphonie n°3 de Beethoven sont précédés d'œuvres contemporaines : Honegger, Porrino, Petrassi et Skrowaczewski. On apprécie également l’ouverture d’esprit d’un chef aussi à l’aise avec le naturalisme coloré de Sardaigne du trop oublié Ennio Porrino, qu’avec les angles modernistes et aiguisés du Concerto pour orchestre de Petrassi et avec la noirceur dramatique de la Symphonie n°2 d’Honegger. Stanisław Skrowaczewski dirige son Preludium, Fuga i postludium, une œuvre exemplaire tant sur la forme que le fond avec une grande science de l’orchestration qui découvre une pensée moderniste ouverte aux multiples influences de son temps. 

Des deux grandes œuvres proposées, on apprécie surtout une lecture fiévreuse et engagée de la Symphonie n°3. Une version de compositeur, qui dégraisse les effets et tend l’arc dramatique s’appuyant sur des tempi particulièrement rapides pour l’époque dans une lignée énergique toscaninienne. Le Requiem de Mozart est, quant à lui, puissant et tragique, porté par un souffle sombre. Le geste est plutôt lent, mais la noirceur de la direction saisit l’esprit.

Tout au long de ces partitions, l’Orchestre Philharmonique de Varsovie est excellent de flexibilité et d’engagement, galvanisé par cette jeune baguette foncièrement charismatique. La restitution sonore de ces bandes radiophoniques est particulièrement convaincante. Comme toujours avec ces éditions de l’Orchestre Philharmonique de Varsovie, l’objet discographique est superbe et le booklet est riche et bien illustré. 

Son : 7 – Livret : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.