Mots-clé : Audrey Maignan

Les Rencontres musicales Enesco

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Au cours de sa riche histoire culturelle, la Roumanie oscilla entre deux pôles : l’attraction pour les particularismes populaires et l’aspiration à un langage stylisé commun à tous les peuples.

Le génie de Georges Enesco parvint à résoudre l’impossible équation : il emprunta, par exemple,  à l’Europe Centrale la nostalgie des Rhapsodies roumaines puis, pour  son unique opéra, se tourna vers le mythe universel d’ Œdipe. Se tenant à distance de la synthèse comme de l’ethnographie, le compositeur fit de l’éclectisme la substance même de son inspiration.

Dès lors, comment rendre compte de la complexité d’une telle personnalité sans la réduire à l’une ou l’autre de ses facettes? C’est le pari que relevaient avec brio ces « Rencontres musicales » de 2025 célébrant les 70 ans de sa disparition. En un mois, gala, concerts et concours dessinaient un portrait généreux et sensible du grand virtuose roumain. 

A commencer par le Concert de Gala du 13 octobre à L’Automobile Club de France qui avait inscrit au programme le rare et fabuleux l’Octuor Op. 7 pour instruments à cordes. Cette pièce maîtresse était précédée d’une présentation aussi agréable qu’érudite ainsi que de quelques œuvres pour chant et piano d’où se détachaient les 3 Etudes pour piano de Bartok ainsi qu’une jolie mélodie ukrainienne (Skoryk) interprétées par Inna Kalugina (chant) et Roman Lopatinsky (piano). Emmenés par le chef et violoniste Nicolas Dautricourt  passionné et fin connaisseur de l’Octuor Op. 7, les musiciens en donnaient une interprétation superlative. Renouvellement perpétuel, soulevée par un irrésistible et mystérieux ressac, cette immense fresque, « tour de force inouï de la part d’un adolescent de dix-neuf ans » selon Harry Halbreich, semblait en effet abolir le temps. Dans cet indescriptible tissus sonore, véritable orgie de cordes, les interprètes en osmose méritaient tous les éloges, second violon et alto solo en tête ; au final le public hypnotisé se levait d’un seul élan pour retrouver comme en rêve la Concorde illuminée.