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Il Trittico de Puccini à la Monnaie : une éclatante réussite 

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Monter le Trittico de Puccini en une seule soirée est une gageure, car c’est prendre le risque de représenter l’un après l’autre trois courts opéras tout à fait dissemblables : un drame de la jalousie dans Il Tabarro, une triste histoire de fille-mère reléguée depuis de longues années au couvent dans Suor Angelica, une farce madrée et subtile dans Gianni Schicchi.

Saluant le public venu nombreux et très largement sans masque à la Monnaie pour enfin revivre une soirée d’opéra à l’ancienne, Peter de Caluwe tempéra sans doute l’enthousiasme de certains en annonçant que ce que le public de cette première représentation verrait était certes la première mais aussi la générale du spectacle. En effet, la générale avait dû être annulée en raison de la maladie -covid en l’occurrence- de la chanteuse Corinne Winters, remplacée par Lianna Haroutounian initialement prévue dans la deuxième distribution et qui faisait ses débuts sur la scène bruxelloise.

Rarement représenté et enregistré, Il Tabarro est à coup sûr le plus noir et vériste des opéras de Puccini. Pour représenter la péniche amarrée sur la Seine où se déroule l’action, Rainer Sellmaier a conçu un ingénieux décor à deux étages et quatre compartiments. Au niveau supérieur on trouve le pont de la péniche ainsi que la chambre à coucher du couple de bateliers, alors qu’au niveau de la scène sont représentés la cale du bateau et le bord de Seine. Puccini joue résolument la carte du vérisme dans ce bref drame qui verra le batelier Michele tuer son rival Luigi dans la cale. Très attentif à la différence de nature entre chaque volet du triptyque, le metteur en scène Tobias Kratzer opte ici pour une approche puissamment expressionniste, mettant aussi bien en évidence l’irrésistible attirance physique entre Giorgetta -la femme du batelier -et le marin Luigi que les affres de la jalousie qui dévore Michele.