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Médée au goût du jour à l'Opéra Comique

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L'opéra Médée, de Luigi Cherubini, se donne actuellement à l'Opéra Comique. La cheffe Laurence Equilbey est à la tête de son orchestre, Insula Orchestra, et d’un plateau vocal solide, emmené par la convaincante Joyce El-Khoury. L'occasion, pour la metteuse en scène Marie-Ève Signeyrole, de signer une intéressante actualisation du propos.

Le personnage de Médée traverse les mythes grecs. Petite-fille d’Helios, le dieu Soleil et nièce de Circé, celle-là même qui transforma les compagnons d'Ulysse en pourceaux, elle est également l’épouse de Jason l'Argonaute, celui-là même qui conquit la Toison. Princesse en exil et magicienne, sa route est jalonnée de meurtres, plus barbares les uns que les autres : assassinat et dépeçage de son frère cadet Apsyrtos, instigation du parricide du roi Pélia par ses filles, immolation de Créuse, que Jason a épousée en deuxièmes noces, tentative (avortée) d'infanticide de Thésée par son père Egée, et enfin, horreur suprême, assassinat de ses deux propres enfants, Merméros et Phérès, qu'elle a eu avec Jason, pour anéantir toute trace de vie avec lui et surtout éviter de les laisser aux mains de ses bourreaux. 

De nombreux auteurs ont proposé leur version de ce drame domestique sur fond de tragédie antique, dont le compositeur Luigi Cherubini, peu après la Révolution française. Avec ses récitatifs parlés en alexandrins et sa musique foisonnante et véhémente, son opéra se caractérise par la continuité de son discours musical. Comme le dit Berlioz, « personne avant Cherubini n’a possédé à ce point la science du clair-obscur, de la demi-teinte, de la dégradation progressive du son ». Laurence Equilbey s’empare avec gourmandise et engagement de cette partition riche et séduisante, faisant ressortir avec force la dimension tragique de l’ensemble. Sur scène, les solistes, quoique diminués, pour certains, par une grippe saisonnière, n’en sont pas moins investis et adaptés à leurs rôles. La Médée de Joyce El-Khoury maintient une tension dramatique tout au long de l’œuvre, servie par une voix sûre et puissante. Marie-Andrée Bouchard-Lesieur incarne une Néris, servante de Médée, juste et sensible, avec une belle présence scénique. Son air Ah ! Nos peines seront communes, avec sa poignante partie de basson obligé, est un moment de grande émotion et justesse musicales, amplifiées par l’usage d’un basson français, moins puissant que le Fagott allemand mais ô combien expressif.

Don Carlo de Verdi à Monte-Carlo

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L'Opéra de Monte-Carlo donne trois représentations de Don Carlo de Verdi, dans sa Seconde version révisée, en italien et en quatre actes telle qu’elle fut créée au Teatro alla Scala de Milan le 10 janvier 1884. Du fait des vastes dimensions musicales et scéniques, les représentations se déroulent au Grimaldi Forum et non à l 'Opéra Garnier. Don Carlo est toujours un évènement et c’est tout naturellement que les représentations affichent complet. 

C'est une production monumentale ! On est impressionné dès le lever du rideau avec un plateau grandiose. Grâce à la technologie moderne, le metteur en scène David Livermore arrive à recréer l'époque de Philippe II. Les décors évoluent constamment, on est entraîné dans un tourbillon visuel. Les projections en 3D donnent une dimension spectaculaire. On passe de l'Escurial, à une superbe bibliothèque, à des fresques ravissantes, d'un noir saisissant à des couleurs pastelles. Il y a également des projections symboliques avec des pétales de roses, des flashes multicolores. Le plateau tournant symbolisant les idéologies contradictoires est très inventif, mais réduit un peu les possibilités pour les chanteurs de bouger librement. David Livermore se met au service de l'œuvre. Le seul reproche qu'on pourrait formuler c'est qu'il en fait peut-être trop : c'est la qualité de ses défauts. Les costumes d'époque sont somptueux, grâce à Sofia Tasmagambetova on a l'impression que les personnages sortent d'un tableau du Titien. Les décors de Gio Forma et les lumières réglées par Antonio Castro aboutissent à réaliser un spectacle total.