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Krzysztof Urbanski au pupitre de l'ONL

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Le concert donné le samedi 6 avril par l'Orchestre National de Lille eut un immense succès. La salle comble, les applaudissements ostentatoires, l'ovation finale, les regards admiratifs et béats et les commentaires emballés du public entendus ici ou là, ne permettent pas le doute quant au triomphe des musiciens de l’Orchestre National de Lille et du chef Krzysztof Urbanski. 

L'œuvre célèbre du répertoire tchèque, la Symphonie du Nouveau Monde, a été précédée de deux compositions absolument différentes. Dans ce programme musicalement hétéroclite, deux compositeurs polonais ouvrent le concert.  Le Nouveau Siècle et les spectateurs vibrent avec Orawa de Wojciech Kilar. Ces courtes 10 minutes, composées par un habitué des bandes originales de films très célèbres, étaient garanties de succès. Constituée de boucles sécurisantes, de nuances plaisantes et ce qu'il faut de surprises prévisibles, Orawa est parmi les pièces les plus jouées du compositeur. L’empressement progressif, les jeux de timbres, la pulsation bien marquée, les reliefs, ne mettent pas à l'épreuve la patience de l'auditeur. L'enivrement musical est au rendez-vous. La composition n'illustre pas une œuvre cinématographique mais elle s'acquitterait toutefois bien de cette mission. 

Lors de ce concert, l'aspect visuel a pris une place importante. Le chef d'orchestre et sa direction expressive et très démonstrative y ont contribué. Au-delà de la musique, observer le soliste Nicolas Altstaedt dans le Concerto pour violoncelle de Lutoslawski est assez saisissant.  Le violoncelle a semblé être un prolongement de son corps et, la virtuosité de cet artiste est remarquable. Cette œuvre donne l'impression d'entendre un dialogue dans une langue tout à fait étrangère. Lutoslawski bouleverse les codes. L'écriture de ce compositeur est novatrice. Il était sensible à l'œuvre de Nadia Boulanger, comme Wojciech Kilar, compositeur d'Orawa, qui a étudié auprès d'elle. Le contraste entre les deux œuvres est énorme. Le langage est atonal, la sensation de pulsation disparaît régulièrement. Le son onirique du célesta, les jeux en harmoniques, les mélanges audacieux de timbres,  amènent à une expérience auditive hors du commun et déstabilisante. Les repères sont perdus à l'extrême à l'inverse de la première œuvre donnée qui flattera l’oreille de nombreux auditeurs. Le Concerto pour Violoncelle de Lutoslawski, qui pourrait être considéré comme réservé à des mélomanes avertis, a probablement apprivoisé le public ce jour-là grâce à la virtuosité mais aussi grâce au charisme et à la prestance de l'interprète.