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Rencontres musicales de Vézelay : La musicalité vocale au sommet

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Les Rencontres musicales de Vézelay, événement incontournable de la fin d’été pour les amateurs de musique vocale, se sont distinguées cette année par la qualité exceptionnelle des chœurs invités. Chaque ensemble offre une expérience unique, marquant une victoire éclatante de la programmation par son originalité et son inventivité.

Programmes audacieux et envoûtants 

Les concerts, véritables pépites musicales, ont proposé des programmes aussi audacieux qu’envoûtants. La Cappella Amsterdam dirigée par Daniel Reuss réunit deux compositeurs à 400 ans de distance dans un dialogue saisissant entre Lassus et Pärt. Ensuite, L’Escadron Volant de la Reine propose « Passion de Vienne à Venise », dans une curieuse association d’œuvres de Ziani et Vivaldi. L’Ensemble Irini a transporté l'auditoire dans un autre monde avec l’« Écho du dernier Schisme », qui suit le fil de l’histoire en musique, tandis que Les Métaboles et l’Orchestre symphonique de Strasbourg ont brillamment mêlé des œuvres rarement jouées de Brahms, Bruckner et Stravinsky. Enfin, Vox Luminis a célébré Bach et Zelenka, avec une joie inattendue pour cet ensemble réputé dans leurs interprétations d’œuvres plus recueillies et intériorisées, clôturant en beauté cette série estivale qui restera gravée dans le mémoire de ceux qui ont pu y assister.

Comme l’a souligné le musicologue Nicolas Dufetel lors d’une mise en oreille, les concerts du soir suivent une progression spirituelle rappelant la semaine sainte, débutant avec les Vêpres de la Vierge de Monteverdi interprétées par La Cappella Mediterranea et le Chœur de Chambre de Namur (concert non assisté), en passant par la Pénitence et des messes, pour culminer dans l'exubérance jubilatoire de la Résurrection.

Cappella Amsterdam, la splendeur chorale à l’état pur

Ces soirées nous ont régalés par une qualité chorale superlative. La pureté des ensembles, l’homogénéité et la mélodiosité des voix, la douceur alliée à une acuité remarquable, la force du récit, une précision d’interprétation, et bien d’autres qualités ont fait de chaque concert un moment de grâce.

Parmi ces ensembles, Cappella Amsterdam, sous la direction de Daniel Reuss, a véritablement fait sensation le vendredi 23 août avec le concert intitulé « Pénitence ». La précision de leurs gestes, comparable à celle d’un orfèvre, tire le meilleur des choristes pour produire un timbre d’une homogénéité exceptionnelle. De plus, l’équilibre parfait entre les différentes parties crée l’illusion d’un seul chanteur, notamment dans les formules répétitives d’Arvo Pärt dans Kanon Pokajanen (Canons de Repentance). Ils incarnent ainsi littéralement l’expression « à l’unisson » ! Ils expriment une puissance spirituelle saisissante, même dans le triple piano, et explorent la complexité polyphonique de Lassus (Domine, ne in furore tuo arguas me, Psalmus Primus Pœnitentialis et Beati, quorum remissae sunt iniquitates, Psalmus Secundus Pœnitentialis) avec une facilité déconcertante. La droiture de leur projection, d’un naturel surprenant, semble s’adresser directement aux cieux. C’est l’expression de la splendeur polyphonique et chorale à l’état pur. Le programme est conçu de manière à faire ressentir une montée d’adrénaline progressive vers un climax éblouissant. En bref, il s’agit d’une véritable leçon de chant choral, tant sur le plan musical qu’émotionnel.

Deux concerts inoubliables à la basilique Sainte-Marie-Madeleine à Vézelay

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Retour à la basilique Sainte-Marie-Madeleine. Dans l’enceinte désormais restauré de cet espace mythique étroitement lié à la lumière (au solstice d’été à midi, les rayons du soleil entrant des fenêtres sud forment un alignement de lumière au centre de la nef), on assiste encore à deux concerts inoubliables avec Les Métaboles et l’Ensemble Les Surprises. 

« Symphonie Chorale » par Les Métaboles

Une cinquantaine de chanteurs des Métaboles et leur chef Léo Warynski proposent de traverser cinq siècles de chant choral. D’abord Spem in alium de Thomas Tallis à 40 voix, chanté en cercle. Si on pense tout de suite à une œuvre de son époque tout aussi monumentale, la Messe à 40 voix et à 60 voix de Striggio magnifiquement portée par le Concert spirituel et Hervé Niquet (disque paru en 2012), on ne connaît pas une référence française pour Tallis. L’interprétation des Métaboles dans ce concert marquera donc une date. Les chanteurs font d’emblée montre de leur excellence, chaque voix parfaitement mise en place. Vient ensuite Tutto in una Volta pour double chœur de Filidei (2020), sur un poème décousu et dénué de sens de Nanni Balestrini (1935-2019), avant-gardiste des années 1960. Contrairement au texte, la musique suit une construction soigneuse, basée sur des répétitions évolutives faisant appel à des écritures considérablement variées. Puis, la transcription de l’Adagietto de la 5e Symphonie de Mahler par Gérard Pesson où se distinguent l’alto Laura Muller par son timbre charnu et dense et la soprano Anne-Laure Hulin, avant d’arriver au clou de la soirée, Concerto pour chœur (1985) d’Alfred Schnittke. Au cours des quatre mouvements de ce grand motet à 16 parties, sur une poésie arménienne médiévale, on entend de multiples intervalles augmentés et diminués, des polyphonies anciennes, des micro-chromatismes ou encore de véritables masses vocales, d’où surgissent des voix en solo (la soprano Maya Villanueva, le ténor Marco van Baaren et la basse Guillaume Olry). Ces harmonies à la fois mystiques et intelligibles résonnent longtemps dans la tête, car on ne sort pas indemne d’un tel océan de voix.