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Retour au Rungis Piano Piano festival : compositrices et raretés mises en avant

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La sixième édition du Rungis Piano Piano Festival, unique en France à se consacrer exclusivement au duo de piano, s’est tenue du 1er au 5 octobre dernier. Cette année, les compositrices et leurs œuvres — trop rarement entendues — y ont occupé une place de choix.

« Girl Power »

La soirée du 2 octobre, intitulée « Girl Power », proposait deux concertos pour deux pianos : l’un de Dana Suesse (1909-1987), surnommée « Girl Gershwin », et l’autre d’Olga Viktorova (né en 1960), au titre aussi curieux que poétique : It all began with Arthur’s shoes.

Connue pour ses chansons populaires, Dana Suesse a pourtant laissé un corpus important d’œuvres dites savantes, dont ce concerto pour deux pianos. Peter Mintun, légataire universel de ces partitions, rappelle que la compositrice, autodidacte en matière d’orchestration, acheva cette œuvre en 1941 dans un style post-romantique teinté de jazz. La musique, fervente, originale et sans affectation, se déploie avec un certain panache : un premier mouvement un peu décousu, un second d’inspiration debussyste, un troisième énergique et jazzy, et un final étonnamment bref. Sous la direction de Julien Leroy, l’Orchestre Colonne met en valeur ces contrastes kaléidoscopiques, même si l’on souhaiterait parfois un peu plus de tempérament et de relief. Les deux pianistes, Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle, les directeurs artistiques du Festival, se montrent pleinement engagés, s’adaptant à l’acoustique sèche de la salle et à un orchestre semblant, par moments, quelque peu hésitant.

Dans la seconde partie, Olga Viktorova présente son œuvre sous la forme d’un échange complice avec Arthur Ancelle, expliquant que le titre fait référence à une paire de chaussures lui appartenant, et qu’elle a cherché à brosser le portrait de deux pianistes « doux, joyeux et drôles ». L’humour traverse en effet les trois mouvements — jusqu’à l’usage de marteaux en plastique dans le final — sans pour autant exclure des passages plus introspectifs, telle une fuguette du mouvement central mettant en lumière le basson, le violoncelle et l’alto, avant que les cordes ne prennent le relais dans un épisode plus lyrique. S’il fallait résumer ce concerto en un mot, ce serait : allégresse. Et pour clore la soirée, le duo Berlinskaïa-Ancelle a assumé le ton joyeux du programme jusqu’au bout, en offrant en bis la Danza Gaya de Madeleine Dring.