Les 80 ans de Krzysztof Penderecki : la soirée de gala finale

par

Krzysztof Penderecki fait la connaissance de son buste.
Au-dessus de son épaule, le visage d'Elzbieta Penderecka.
A droite, Valery Gergiev © Bruno Fidrych

La musique, langage de paix universelle, adoucit les moeurs. La semaine Penderecki à Varsovie ne contredira pas ce vieil adage au regard du sommet sur le climat qui se tenait parallèlement dans la capitale polonaise et qui, au bout d'interminables discussions, se clôtura par un "accord a minima". Ici, l'anniversaire de Maître Penderecki, Krzysztof pour ses nombreux amis, avait toute l'allure d'une fête nationale avec les messages de voeux des têtes couronnées et des présidents d'un peu partout dans le monde, jusqu'à l'hymne national entonné par toute le public du Théâtre Wielki, un des plus grands d'Europe, et le "Happy Birthday" qu'il avait plaisir de chanter sous la baguette de... Valery Gergiev! La soirée donnait aussi à découvrir un buste monumental du Maestro réalisé pour l'occasion ; ajoutons à cela les distinctions remises par le Président de la Croatie, Ivo Josipovic -dont on apprit qu'il était lui-même compositeur et dont le jubilaire a dirigé des oeuvres- et par la Ministre de la Culture d'Arménie, un retour aux sources puisque la grand-mère du compositeur était arménienne. Une grande fête donc dans le théâtre de 1800 places, transmise en direct sur Arte Life Web.
Sur scène, l'excellent Sinfonia Varsovia était dirigé par Krzysztof Urbanski pour le Thrène pour les victimes d'Hiroshima (1960), une pièce d'atmosphère, un chant de lamentations pour 52 instruments à cordes qui vise davantage un effet émotionnel qu'une recherche formelle, un poignante réussite qui porta d'emblée le compositeur au premier rang des créateurs de son temps. Suivait le Duo concertant pour violon et contrebasse, quatre courtes pièces résolument mélodiques menées avec la superbe d'Anne-Sophie Mutter pour qui le compositeur prépare une quatrième pièce, "La Follia", à l'occasion de son 50e anniversaire et qui sera créée à New York le 13 décembre prochain. Une pièce concertante ensuite, le Concerto grosso pour trois violoncelles, à la fois néo-baroque et néo-romantique, une forme ABA, un peu de Chostakovitch, de Dukas, de Fellini, de Stravinsky... et de Penderecki bien sûr, magnifiquement défendu par Arto Noras, Ivan Monighetti et Daniel Müller-Schott tandis que Charles Dutoit maniait brillamment la baguette.
La semaine Penderecki se devait de se clôturer par une de ses oeuvres religieuses, celles où il excelle. Sur le plateau, l'orchestre est rejoint par un choeur mixte de plus de 150 personnes (le Choeur de l'Opéra National et celui de la Philharmonie de Varsovie) et un choeur de jeunes garçons, les Petits Chanteurs de Varsovie, tous sous la baguette de Valery Gergiev pour le Credo. Une première partie tout en tendresse, néo-mendelssohnienne par la souplesse de ses lignes tant vocales qu'instrumentales où les bois tiennent les plus beaux chants; une seconde partie, plus moderniste, rappelle un peu la Symphonie des mille de Mahler, un des compositeurs-maîtres de Penderecki. Une expression de joie de lumière. Victoire de l'Eglise?
On quitte le Theâtre Wielki, porteur d'une grande force, peut-être un peu de celle que partageait le compositeur qui osa réintroduire le chant sacré et religieux au plein coeur de la période communiste. La semaine aura aussi été celle de l'amitié: quatre-vingt-deux interprètes et chefs d'orchestres, cinq choeurs adultes, un choeur d'enfants, quatre grands orchestres et un quatuor constitué s'étaient donné le mot pour fêter le compositeur octogénaire. La grande prêtresse de l'événement ? Elzbieta Penderecka, son épouse depuis quarante-huit ans, Présidente de l'Association Beethoven, qui a conçu une programmation signifiante et équilibrée avec la complicité des meilleurs artistes de Pologne et de la scène musicale, le tout au sein d'une organisation parfaite -celle qui se sent mais ne se voit pas-, dans la joie et la bonne humeur.
Bernadette Beyne
Varsovie, le 23 novembre 2013

Anne-Sophie Mutter et Roman Patkolo dans le "Duo concertant pour violon et contrebasse"
Anne-Sophie Mutter et Roman Patkolo dans le "Duo concertant pour violon et contrebasse"
© Bruno Fidrych
Daniel Müller-Schott, Arto Noras et Ivan Monighetti. Charles Dutoit dirige le Sinfonia Varsovia
Daniel Müller-Schott, Arto Noras et Ivan Monighetti. Charles Dutoit dirige le Sinfonia Varsovia © Bruno Fidrych

Un commentaire

  1. Ping : Double hommage à un des plus grands compositeurs de notre temps | Crescendo