Messes des morts à Vienne

par
Kerll, Fux

0126_JOKERJohann Caspar KERLL
(1627 - 1693)
Missa Pro Defunctis
Johann Joseph FUX
(1660 - 1741)
Kaiserrequiem
Vox Luminis, Ensemble L'Achéron, dir.: Lionel MEUNIER
2016-DDD-Textes de présentation en anglais, français et allemand-Ricercar RIC 368

C 'est à une passionnante confrontation que nous convie le nouveau disque de Lionel Meunier: deux Requiems qu'une génération sépare et qui apparaissent aussi dissemblables que possible, ne serait-ce que par leur destination; leur seul point commun est d'avoir été écrits tous deux à Vienne. Alors que celui de Johann Caspar Kerll, très intimiste, fut destiné à ses propres funérailles, celui de Johann Joseph Fux, infiniment plus spectaculaire, certains diront pompeux, le fut à celles de la veuve de l'empereur Léopold 1er. Kerll, qui partagea sa carrière entre Vienne, Bruxelles et Münich, se forma auprès de Carissimi et de Frescobaldi, influence très sensible à l'écoute des délicates mais somme toute assez austères polyphonies de sa Missa Pro Defunctis. Celle-ci fait partie d'un recueil de cinq messes écrites quatre ans avant sa mort, à Vienne en 1689, que l'on peut considérer comme le sommet de son oeuvre et son testament musical. A l'époque de leur composition, on peut imaginer que leur auteur se remettait lentement des calamités que furent l'épidémie de peste entre 1679 et 1682 et le premier siège de la ville impériale par les Turcs en 1683. Jérôme Lejeune, dans son excellente notice, revient sur la particularité que présente la Sequenza (les parties comprises entre le Dies Irae et le Pie Jesu) d'une écriture différente et dans une tonalité très éloignée du reste de la messe, peut-être un signe que la partition aurait été écrite en au moins deux périodes distinctes. Johann Joseph Fux, auteur du Gradus ad parnassum, ce célèbre traité pédagogique de l'art du contrepoint, fut Kapellmeister de la cathédrale Saint-Etienne à partir de 1715 et donc en charge de la réalisation de commandes telle que le Kaiserrequiem. Celui-ci est une page de grandes dimensions, d'une durée de 40 minutes, et d'une somptuosité grave dictée par la solennité de l'événement. Sa parfaite adéquation et son élévation spirituelle particulièrement frappante expliquent sans doute qu'il sera à nouveau joué lors d'autres funérailles impériales, jusqu'à celles de Charles VI en 1740. Comme chez Kerll, certains signes laissent à penser que l'oeuvre a pu être composée à des époques différentes. Toujours est-il que l'alternance entre passages de tutti et de solistes, seuls ou en petite formation, évitent toute monotonie et continue à hisser ce Requiem au niveau des plus réussis avant ceux de Michel Haydn et de Mozart. L'interprétation est idéale: parfait équilibre entre les voix et les groupes instrumentaux, clarté des lignes, nuances infinies... Ni l'une ni l'autre de ces oeuvres ne sont des premières en cd. Le Requiem de Kerll avait été gravé, chez Ricercar déjà, par le Ricercar Consort en 1990, puis par René Clemencic (publié chez Arte Nova, entre autres, en 1995) et enfin par le Hassler Consort, publié chez MDG en 1997. Celui de Fux, lui, avait intéressé Roland Wilson et sa Musica Fiata (Deutsche Harmonia Mundi – 2009). Les mérites des ces anciennes versions n'occultent pas, cependant, la réussite de cette nouvelle et très belle réalisation. A découvrir.
Bernard Postiau

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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