Suite d'une intégrale des concertos pour piano de Mozart sur instruments d'époque

par

Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
Concertos pour piano n° 15 K. 450 et n° 16 K. 451
Ronald BRAUTIGAM (piano), Die Kölner Akademie, dir.: Michael Alexander WILLENS
2015-DDD-53'43-Textes de présentation en anglais, allemand et français-Bis 2064

Ronald Brautigam s'est fait connaître au disque par son intégrale remarquée des sonates pour piano de Haydn. Diversement appréciée, elle enthousiasmait les uns par la fraîcheur des sonorités du pianoforte et des tempi généralement enlevés et agaçait les autres par son discours rectiligne, uniforme, mécanique, répétitif et très vite ennuyeux. Depuis lors, le pianiste néerlandais s'était encore illustré dans des intégrales des sonates de Beethoven et Mozart, parmi une discographie assez abondante. Très vite, il avait entamé un intégrale des concertos de Mozart dont le présent disque est apparemment le 8ème. Si l'on excepte les « petits » concertos n° 1 à 4, ceux écrits d'après Johann Christian Bach, ainsi que ceux pour deux et trois claviers, il ne resterait donc plus à notre musicien que les n° 5, 6, 8, 11 et 13 à graver, soit deux disques, sans doute. Couleurs fraîches, tempos allants, tics baroques à profusion, les caractéristiques de l'orchestre 18ème siècle tel qu'érigé en dogme après les intuitions géniales d'un Harnoncourt, de Brüggen surtout, sont bel et bien toutes là, au rendez-vous. Pourquoi a-t-on cette désagréable impression que toute cette panoplie expressive, par sa profusion et par sa transparence qui rend tout audible, finit par dissimuler le discours mozartien et le noie dans un kaleïdoscope où l'émotion et l'éloquence, que savaient si bien rendre un Sandor Végh, par exemple, semblent en berne? Mais voici le pianoforte qui ferraille à l'envi, aligne les notes en ordre serré comme la dactylo d'autrefois les caractères de sa machine sur l'épaisse liasse de feuilles et de carbones. Avec toute la bonne volonté, le stoïcisme, l'honnêteté éditoriale dont nous sommes capables, avec l'énergie du désespoir, nous essayons de nous intéresser à ce flux – que dis-je ? - ce raz-de-marée impitoyable qui ne laisse aucun répit, aucun moment pour absorber notre quantité vitale de O2. Mais la machine est sans pitié et ne laisse à l'esprit d'autre image que celle, issue de notre tendre enfance, de notre mère courbée sur cette machine, monstrueuse à nos yeux de bambin, que les adultes désignaient, avec une sorte de déférence qui nous échappait, du nom de machine à coudre. La tentation est forte de courir plus vite encore que nos hôtes à la dernière plage mais, nous ne faiblirons pas. Et 44 minutes plus tard, nous y voici enfin, à cette dernière plage. Ça tombe bien: votre serviteur a toujours adoré depuis ses plus jeunes années cet exubérant et si irrésistible Rondo K. 382 qui, toujours, lui a semblé pétiller à ses oreilles comme du champagne. Mais ici, hélas, trois fois hélas... tacatacatacatacata... Pfuitt! la magie – celle que je lui attribuais ? - a disparu! Suis-je coupable de nostalgie, celle qui ramène avec obsession à mes oreilles Annie Fischer et Ferenc Fricsay en état de grâce, transmis à moi par un vieux 33 tours Héliodor, avec ce sillon qui, toujours, avait la pudique mais exaspérante habitude ne pas vouloir être lu, précisément au moment qui me transportait le plus? Sans doute, sûrement... Il faut vivre avec son temps, me direz-vous, et vous aurez raison. Qui sait? Il se trouvera peut-être un petit garçon ou une petite fille pour qui ce nouveau disque ouvrira les portes du rêve et qui y reviendra encore et toujours tout au long de son existence. Ne serait-ce que pour cela, respectons cette approche qui, si elle n'est pas la nôtre, respecte cependant une totale probité artistique.
Bernard Postiau

Son 9 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 5

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