Une écoute nouvelle des "tubes" beethovéniens !

par

Ludwig van Beethoven (1770 - 1827)
Sonate pour piano N° 14 en Do dièse mineur "Quasi una fantasia" op. 27 n° 2, N° 21 en Do Majeur op. 53 dite "Waldstein", n° 17 en Ré mineur op. 31 n° 2

Alexei Lubimov, pianoforte Érard 1802
2013 - DDD - 66'48'' - Textes de présentation en français et anglais - Alpha 194 Ut pictura musica

Il y a certaines maisons d'édition qui prennent autant soin du livret et de son contenu que du disque lui-même. Cet enregistrement en est la preuve : copieux et intéressant livret consacré autant à Beethoven qu'à ce pianoforte assez unique. Si l'on en croit la pochette, cette copie d'un pianoforte "en forme de clavecin" Érard de 1802 faite par Christopher Clarke est une des raisons de l’enregistrement : donner vie à l’instrument. Une copie qui lui tient à coeur à tel point d’adresser quelques "recommandations" au pianiste qui va le jouer, "recommandations" intégrées au livret, intéressantes quand à la genèse de l'instrument, de ses particularités et de ses possibilités. Après la fermeture de la Maison Pleyel, on peut se consoler en se disant qu'il reste encore de bons artisans passionnés! Cette belle réplique est le résultat de plusieurs milliers d'heures de travail et le disque en est la récompense. Pourquoi un piano français pour Beethoven? Les connaisseurs se souviendront que Beethoven avait commandé un piano au facteur français et avait composé sa fameuse Sonate "Waldstein" sur un Érard. Qui mieux qu' Alexei Lubimov pour immortaliser le son de cet instrument ? Le pianiste russe est un habitué de Beethoven et des instruments anciens ; il avait déjà enregistré plusieurs Sonates de Beethoven sur un Broadwood de 1806 il y a quelques années. La Tempête, La Waldstein et la Clair de lune, trois "tubes" de Beethoven. Choix qui pourrait paraître un peu ennuyeux ou sans grande originalité mais en réalité fort intelligent car quoi de mieux que des oeuvres très connues pour se rendre compte des sonorités nouvelles offertes par l’instrument ? Il suffit d'écouter les premières mesures de ces trois Sonates pour se rendre compte que ce piano va nous renouveler l'écoute des pièces. Le son des pianos de l'époque était moins uniforme que maintenant. Certes, ils n'ont pas la puissance acoustique d'un Steinway actuel mais ils n'ont rien à leur envier quant aux couleurs et contrastes… Ecoutez le final du Clair de lune : on entend si souvent ces accords sforzando après une montée d'arpèges dans les aigus plus "tapés" que forts, annihilant le saisissant contraste que Beethoven souhaitait donner. Ici on rentre dans un univers beethovenien cent fois plus contrasté. Et le début de la Waldstein : avec Lubimov et ce pianoforte, tout est clair et l'écoute est aisée. Le jeu de Lubimov est de grande classe, sobre, intelligent, maîtrisé et plein de contrastes. Un disque qui renouvelle notre écoute de ces œuvres impérissables.
François Mardirossian

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

 

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