Entre Italie et Pays Bas, floraison du répertoire pour flûte au tournant du XVIIe siècle

par

Dolce accenti. Œuvres de Giovanni Battista Fontana (1589-1630), Girolamo Frescobaldi (1583-1643), Giovanni Bassano (c1560-1617), Francesco Rognoni Taeggio ( ?-p1626), Tarquinio Merula [attrib.] (c1594-1665), Giovanni Martino Cesare (c1590-1667), Giovanni Picchi (1572-1643), Giovanni Battista Riccio (1563-p1622), Biagio Marini (1594-1663), Peter Philips (c1560-1628), Jacob van Eyck (c1589-1657), Nicolaes a Kempis (c1600-1676), Johann Caspar Kerll (1627-1693), Dario Castello (1602-1631). Peter Van Heyghen, flûtes à bec. Kris Verhelst, orgue, clavecins. Janvier 2023. Livret en anglais, français, allemand. 73’08’’. Passacaille PAS 1139

Selon sa notice, cet album se consacre à la « littérature italienne pour flûte à bec et/ou clavier telle qu’elle aurait pu être jouée en Italie et dans les Pays-Bas entre 1580 et 1650 ». Outre des compositeurs actifs en Italie du nord, associés aux influents foyers de création que furent Venise (Giovanni Bassano, Dario Castello, Giovanni Picchi, Giovanni Battista Riccio, auteur d’une canzona spécifiquement écrite pour flûte à bec, les violonistes Giovanni Battista Fontana et Biagio Marini), Milan (Francesco Rognoni Taeggio) et Crémone (Tarquinio Merula), on trouve ainsi l’Anglais Peter Philips et l’Allemand Johann Caspar Kerll formés à Rome. Mais aussi le Flamand Nicolas a Kempis qui écrivit dans une veine italianisante, et Jacob van Eyck, carillonneur de sa ville d’Utrecht, auteur d’un fondamental recueil Der Fluyten Lust-hof, qui décline de célèbres mélodies du temps, dont des variations sur Amarilli mia bella de Giulio Caccini.

Ce qui rappelle combien les canzoni et sonates de la péninsule ultramontaine s’achetaient, se jouaient dans les Provinces Unies. La flûte soprano s’y imposa, alors que certaines pièces solistes italiennes favorisaient plutôt le modèle alto. Pour tenir compte de la tessiture adaptée à chaque page, Peter Van Heyghen utilise trois différentes flûtes, provenant des facteurs Adrian Brown et Stephan Blezinger. Le florilège parcourt ainsi un éventail de ricercate, de chansons et canzoni, de madrigaux, de motets, de sonates, de danses, reflétant un répertoire écrit pour la flûte voire prêté à cet instrument, tant le violon et le cornet dominaient le dessus mélodique dans la production consortante.

Outre son rôle d’accompagnateur qu’elle acquitte avec autant de sobriété que de subtilité, Kris Verhelst emploie ses trois claviers dans des pages solistes : une Intonatione crommatico de Merula sur un orgue inspiré de spécimens méridionaux, un Capriccio sopra La Bassa Flamenga de Frescobaldi et un Pass’e mezzo Antico de Picchi joués sur un clavecin italien, des élaborations sur Amarilli de Philips et une Toccata de Kerll sur un clavecin flamand. La technique supérieurement maîtrisée des passagi, accenti et legature qu’exigent ces pièces, on l’admirera à découvert dans deux Ricercate de Bassano. Peter Van Heyghen se distingue surtout par son goût sûr et délicat, affirmant la cohérence esthétique qui cimente cette anthologie. Une admirable et émouvante fenêtre sur cette floraison à la charnière de la Renaissance et du Baroque : c’est de la manière la plus aboutie que ce disque visite pareil univers de fioritures, mais aussi de « grâces affectives » louées par les dolce accenti qu’il prend pour titre.

Christophe Steyne

Son : 8,5 – Livret : 8,5 – Répertoire : 7-9 – Interprétation : 9,5

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