Aaron Pilsan : une approche claire et naturelle du Livre II du Clavier bien tempéré de Bach

par

Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Le Clavier bien tempéré, Livre II. Aaron Pilsan, piano. 2023. Notice en allemand, en anglais et en français. 143’. 2 CD Alpha 1034.

Né dans le Vorarlberg autrichien, Aaron Pilsan (°1995) a étudié le piano dès ses cinq ans. Il a été ensuite l’élève, au Mozarteum de Salzbourg, de Karl-Heinz Kämmerling, puis, au décès de ce dernier en 2012, de Lars Vogt à Hanovre. Son premier album, publié par Naïve, était consacré à Beethoven et à Schubert (2014), avant un hommage à sa région natale, intitulé Home (DG, 2018), en duo avec le violoncelliste Kian Soltani, où figuraient Schubert à nouveau, Schumann et le compositeur iranien Reza Vali (°1952). Pour Alpha, on trouve Pilsan à deux reprises en 2023 : dans un programme de concertos variés de Mozart, en l’occurrence le Dix-neuvième K. 459, et dans un récital Schumann/Widmann. Mais avant cela, était paru en 2021, le Premier Livre du Clavier bien tempéré de Bach, gravé en juin 2020 en la Deutschlandfunk Kammermusiksaal de Cologne (Alpha 669), et très bien accueilli par la critique. Dans le même lieu et avec la même équipe technique, il a enregistré le Second Livre en avril et mai 2023, qui fait l’objet du nouvel album. 

On sait que chaque Livre du Clavier bien tempéré, qui comporte vingt-quatre Préludes et autant de Fugues, est d’une grande diversité de caractères, de rythmes, de mesures, de tempos et de styles. Dans ce Second Livre, nettement plus long et souvent plus difficile que le Premier, les pages, composées au fil du temps, montrent une évolution de Bach sur vingt ans (Köthen, 1722, et Leipzig, 1742). Aaron Pilsan avait séduit dans le Premier Livre par la justesse de sa technique, ses couleurs nuancées et cristallines, son souci des détails et sa sobriété nourrissant l’objectivité du discours. On retrouve ces mêmes qualités dans le Second Livre, son Steinway D se prêtant idéalement à l’aisance et à la clarté de son jeu. Les contrastes d’atmosphère sont équilibrés et dynamiques, sans que le côté parfois un peu ascétique que certains interprètes y ont mis par le passé n’apparaisse un seul instant. Ici tout s’anime, tout vit.

Comme pour le Premier Livre, l’éditeur a eu la bonne idée de proposer, en guise de notice, un second entretien d’Aaron Pilsan, cette fois avec Kevin Kleinmann. Le soliste y explique notamment que l’impact d’événements dramatiques qui se sont produits dans le monde depuis 2020 ont eu une influence sur sa façon de voir Bach aujourd’hui et de cristalliser ses interprétations en concert : La musique de Bach peut apporter ordre et sérénité au chaos ! Si tout le monde écoutait dix minutes de Bach chaque jour, je pense qu’on vivrait dans un monde très différent.  Il souligne aussi le fait que, dans ce Second Livre, Bach va plus loin dans l’audace et l’originalité harmonique. Pilsan fait aussi part de ses sources d’inspiration : non pas Glenn Gould, mais Murray Perahia ou András Schiff, ainsi que des œuvres pour d’autres instruments, comme l’orgue, joué par Ton Koopman. 

Pilsan joue ce Clavier bien tempéré avec naturel, assurant aux pages de Bach une ampleur de chant pur et sans cesse épanoui. Son interprétation séduisante et spontanée, servie par un son de grande qualité, ne dément pas sa vision d’un quotidien meilleur par le biais de cette musique qu’il sert avec une maturité déjà affirmée.

Son : 9    Notice : 10    Répertoire : 10    Interprétation : 10

Jean Lacroix 

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