Auferstehungshistorie de Schütz : une touchante interprétation pour ce 400e anniversaire

par

Heinrich Schütz (1585-1672) : Auferstehungshistorie SWV 50 ; Sinfonias SWV 471. Surrexit pastor bonus SWV 469. Franz Tunder (1614-1667) : Sinfonia da Pacem. Michael Praetorius (1571-1621) : Christ ist erstanden. Ensemble Polyharmonique, Alexander Schneider. Johannes Gaubitz, Évangéliste. Livret en allemand, anglais, français. Texte des paroles en Allemand. Février 2022. TT 62’46. Accentus ACC 30620

Créée à Dresde pour les fêtes de Pâques en 1623, cette Histoire de la Résurrection contribua à offrir à l’oratorio germanique ses lettres de patente. « Parce que tu m'as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui n'ont point vu et qui ont cru » répliqua Jésus à Thomas, selon les Évangiles. Et pourtant, comme le rappelle le livret du disque : sur une trame musicale d’une rare subtilité, Schütz parsème son œuvre d’effets suggestifs très imageants, voire réalistes, pour rendre sensible le miracle qui prolonge et surpasse tous les mots de la situation intelligible. « L'incroyable de la foi devient perceptible par le truchement de la musique ».

Cousue par les récitations liturgiques, la partition accorde un rôle central à l’Évangéliste, qui dans la discographie connut quelques incarnations majeures et distinctives : le contraste dramatique de René Jacobs (Harmonia Mundi, 1989), l’intensité signifiante de Christoph Prégardien (avec Frieder Bernius et ses troupes de Stuttgart, Sony 1990), l'humble sobriété de Georg Poplutz, dans le cadre de l’intégrale rééditée en coffret chez Carus Verlag. Tout en retenue, peaufinant les nuances narratives du rôle, Johannes Gaubitz s’intègre au raffinement spirituel tissé par l’Ensemble Polyharmonique, tant ses voix que son accompagnement instrumental riche de frémissements.

On saluera à cet égard les infimes reflets que les cordes pincées (Thomas Ihlenfeldt, Johannes Gontarski, Maximilian Ehrhardt), les tuyaux (orgue, régale) de Klaus Eichhorn instillent à cet écheveau. On n’oubliera pas la candeur, la rayonnante générosité du Dresdner Kreuzchor de Martin Flämig (Eterna, octobre 1971), et sa véraison de juvéniles gosiers. Pour autant, la présente interprétation marque désormais un nouveau jalon par son constant mysticisme, dont les intimes capillarités sont contrebalancées par l’effet grandiose des interventions chorales épaulées par les trois trombonistes, qui résonnent glorieusement dans le Christuskirche de Berlin-Oberschöneweide.

L’équipe a choisi d’introduire cette Auferstehungshistorie par le Surrexit pastor bonus et de l’entretoiser par quelques brefs intermèdes instrumentaux aux archets, tirés du O bone Jesu, fili Mariae SWV 471 et qui s’insèrent parfaitement par leur délicatesse. Le programme se conclut par un triomphant Christ ist erstanden emprunté à Michael Praetorius. Globalement, malgré quelques coups d’éclat, on pourrait estimer la prestation un peu modératrice, estompant le spectacle. Mais ses euphémismes luisent d’une constante émotion : une touchante invitation à se repencher sur cette œuvre dont on célèbre le quatre-centième anniversaire.

Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

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