Contrastes russes d'excellence avec Antonio Pappano

par

Nikolai Rimsky-Korsakov (1844-1908° : Shéhérazade, Op.35 ; Modest Moussorgsky (1839-1881) : Une nuit sur le mont chauve (versions orchestrale et chorale). Carlo Maria Parazzoli, violon ; Deyan Vatchkov, baryton ; Coro e Voci Bianche dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia - Roma, direction : Ciro Visco ; Orchestra Dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia - Roma, direction : Antonio Pappano. 2014-2019 et 2022.  Livret en : anglais, allemand et français. 68’30’’. Warner Classics. 5 054197 933691. 

En marge de la résidence d’Antonio Pappano et de son Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia au festival de Pâques de Salzbourg 2024, Warner fait paraître un enregistrement d'œuvres russes de démonstration, tel une carte de visite d'excellence.   

Le voyage commence avec la Shéhérazade de Rimsky-Korsakov, tube des tubes du répertoire. Dès les premières notes, Antonio Pappano cherche une voie originale entre une tension narrative très dramatique et une élégance raffinée de la masse orchestrale qui s'appuie plus sur une lisibilité nerveuse de la partition que sur un grand spectacle en technicolor. Il faut s'accoutumer à cette lecture que l’on pourrait considérer comme timide au regard du grand barnum symphonique que convoquent tant de chefs. L’art d’Antonio Pappano est de conjuguer le soin d’une transparence qui met à vif le brio de la partition et le sens des contrastes des épisodes dramatiques. C’est un orient, à la pointe sèche, mais habillé en Armani alors que la prise de son, plus détaillée que globale, sert parfaitement cette interprétation.  La plastique et la virtuosité technique de l’orchestre sont exemplaires avec de superbes interventions solistes à commencer la celle du brillant Carlo Maria Parazzoli au violon solo. 

Changement de ton avec les deux versions de la Nuit sur le Mont chauve : le poème symphonique Nuit de la Saint Jean sur le Mont Chauve et la version avec choeur et baryton solo tiré de l’opéra inachevé La Foire de Sorochintsy dans l’orchestration de Vissarion Chebaline. Comme il se faut, Antonio Pappano lâche la bête : c’est barbare et conquérant. Dans la version orchestrale, la baguette du chef associe la puissance orchestrale et le soin des timbres alors que la version chorale est puissante avec des ombres fantomatiques et inquiétantes qui traversent les masses instrumentales et chorales, portées par un excellent Deyan Vatchkov, presque possédé dans ses interventions. 

Bien évidemment, la discographie est pléthorique, en particulier dans Shéhérazade ou tant de phalanges aiment y briller, mais la lecture de Pappano est à la fois étonnante, singulière et personnelle. On pourra ne pas aimer et rester fidèle aux grands démiurges mais personnellement, cela nous convainc. Les deux versions de la Nuit sur le Mont chauve sont magistrales. Encore un album qui montre le très haut niveau du tandem entre Antonio Pappano et ses Romains. 

Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9/10

Pierre-Jean Tribot

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