Deuxième après-midi du Concours Reine Elisabeth. La qualité au rendez-vous !

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Le concours a débuté avec le basse Levente Pall,(hongro-roumain) qui a tout de suite capté l'attention du public par une voix profonde, puissante et d'une grande justesse. On reconnaît tout de suite un candidat musicien quand il ose s'attaquer à Mozart. Beau choix d'air et beau travail sur les phrasés, les couleurs et les intentions. C'est avec l'air de Bellini (La Somnanbula- Vi raviso) que le basse a fini sa prestation, avec une grande légèreté et un beau sens du rubato.
Suit une candidate française, Marion Lebègue, avec un beau choix de répertoire comprenant le trop peu joué André Caplet. L'air de Leonara (Fia dunque veto - La Favorita) de Donizetti fut une belle réussite pour cette mezzo-soprano à la voix pleine de chaleur et de couleur. Une belle technique et un sens du drame juste et dosé pour l'oeuvre de Caplet La cloche fêlée firent de sa prestation un moment très musical.
L'Arménienne Mary Movsisyan dispose d'une belle voix de soprane mais son vibrato est bien souvent le même, sans grande nuance de couleur. Une belle présence scénique mais une certaine froideur dans l'expression. L'air de Puccini (Quando m'en va - La Bohème aurait nécessité plus de chaleur et de sentiment.
La candidate russe Tatjana Timchenko-Hörr ne retient malheureusement pas notre attention avec un Mozart trop romantique et peu soigné. De belles intentions dans Les filles de Cadix de Léo Delibes ne suffisent pas à pallier un manque de diction claire. Quelques problèmes de justesse dus sans doute au stress.
La soprano allemande Daniela Gertenmeyer a impressionné le publi -et sans doute le jury- en commençant par une oeuvre contemporaine d'Albert Reinmann, a cappella, d'une grande difficulté technique. Cette jeune femme a tout d'une grande  : une voix d'une puissance naturelle et d'une grande clarté avec un vibrato souple et coloré. L'air de Mozart (Sposo ? Mia vita ? - Lucio Silla fut aussi réussi et sa voix y est d'une autre couleur, d'une clarté différente que dans l'oeuvre précédente. En deux pièces, cette candidate a su montrer l'étendue de son talent. On l'attend au prochain tour…
La Polonaise Klaudia Ziajkowicz n'a malheureusement pas eu cette chance. Une belle voix de soprano mais avec peu de contrastes et peu d'expression. Elle n'a pas su retenir l'attention du public par sa présence, timide et stressée. Le bel air de Bizet (C'est des contrebandiers - Carmen) ne fut pas à son avantage.

La deuxième partie de l'après-midi débutait avec un duo (même coiffure et tenue entre la chanteuse et la pianiste) assez intéressant. La soprano lituanienne Jomante Slezaite a retenu notre attention pour sa voix riche en couleur et une grand sens du drame. Son Tchaikowsky (Da, tchas nasal - The maid of Orleans) fut très réussi et très touchant. Avec sa pianiste, aussi expressive qu'elle, elle font de cette prestation un moment fort de l'après-midi.
Vient ensuite un candidate qui fait sensation. La Suissesse Chiara Skerath avance sur scène d'un pas timide et semble gênée mais, dès les premières notes de Bach (Heute noce - Cantate du café), on sent une grande artiste habituée de la scène. Une voix puissante sans forcer, un vibrato aux infinies nuances et un beau sens du style. Et une grande complicité avec le pianiste qui fait de cet air un beau choix osé pour un premier tour. L'air de Susanna des Noces de Figaro de Mozart fut encore mieux. C'est assurément le meilleur Mozart de la journée. Simplicité, naturel et générosité assurent à cette candidate une place évidente en demi-finale.
Le public n'a pu retenir ses applaudissements après le premier air de Strauss (La Chauve-souris) par la candidate belgo-bolivienne Anna Pardo Canedo Quelle présence ! Et quel sens du spectacle ! Une ovation a suivi sa prestation. Une technique parfaite, un vibrato envoûtant et des nuances expressives impressionnantes donnent un sens nouveau à ce concours qui semble vraiment être plus un concert qu'une compétition…Une belle assurance chez cette jeune candidate qui fait une grande impression. On l'attend dans un répertoire plus serioso mais excellent premier tour.
Difficile de passer après tant de "show" ! Défi réussi pour le Coréen Yoo Hansung. Le premier baryton de l'après-midi nous beaucoup touché dans un Lied de Mendelssohn (Es sit genug) accompagné par l'admirable Philippe Riga. Une voix ample, souple et d'une sublime simplicité contrastent avec la candidate précédente. Belle élocution et bonne diction pour l'air de Gounod (Oh sainte médaille - Faust). Belle présence sonore aussi, couplée à une grande sobriété scénique. Hansung fait partie de ces chanteurs sincères et nobles.
La dernière candidate de l'après-midi était britannique. La soprano Susanna Hurrell nous a offert un Massenet ( Adieu notre petite table - Manon) très juste et très contrôlé mais trop peu expressif. On aurait aimé une plus belle clarté de texte. L'air de Norina (Don Pasquale) de Donizetti fut plus réussi, on l'a sentie plus à l'aise dans cette pièce : plus de nuances et de contrastes.
Une après-midi riche en candidats musiciens qui laisse présager une belle soirée !
François Mardirossian
Bruxelles, Flagey, le 15 mai 15h

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