Entre héroïsme et lyrisme au Festival George Enescu

par

Pour cette nouvelle journée au Festival George Enescu, nous retrouvons les deux mêmes orchestres que la veille et dans les mêmes lieux, à savoir le Rotterdam Philharmonic Orchestra et le Czech Philharmonic. 

Trois pièces sont au programme du concert du Rotterdam Philharmonic Orchestra : l’Intermède pour Instruments à Cordes, Op.12 de George Enescu, le Concerto pour piano N°2 en fa majeur de Dimitri Shostakovich et la Troisième Symphonie en mib majeur, Op. 55 de Ludwig van Beethoven, dite « Héroïque ». Nous retrouvons Lahav Shani à la direction mais aussi comme soliste au piano.

La phalange néerlandaise met le compositeur roumain George Enescu à l’honneur avec l’Intermède pour Instruments à Cordes, Op.12. Dans cette œuvre constituée de deux mouvements, Allègrement et Très lent, Enescu propose une autre vision de sa musique avec une pièce plus subtile, inspirée des esthétiques impressionnistes. Cette délicate interprétation de Lahav Shani et de l’orchestre nous plonge dans le concert avec la plus grande des douceurs.

Lahav Shani endosse le double rôle de soliste et de chef d’orchestre dans la pièce suivante : le Concerto pour piano N°2 en fa majeur de Shostakovich. Le premier mouvement, Allegro, débute avec les bois. Ces derniers jouent d’ailleurs un rôle essentiel dans ce concerto. Très vite, le piano rentre en scène avec ce premier thème aux allures d’une marche. Lahav Shani et l’orchestre font ensuite preuve de lyrisme dans le second thème avant de conclure avec brio. Le célèbre second mouvement, Andante, est un moment de grâce et d’introspection. La délicatesse du jeu de Lahav Shani, cumulée au son chaleureux de l’orchestre, nous donne un beau moment de poésie musicale. Le troisième mouvement, Allegro, conclut de manière joyeuse et enjouée cette interprétation du concerto. La formation néerlandaise et son chef principal sont plus que chaleureusement applaudis pour cette belle performance où la communion entre les artistes était de mise. 

Après l’entracte, place à la célèbre Troisième Symphonie en mib majeur, Op. 55 de Ludwig van Beethoven, dite « Héroïque ». L’interprétation du premier mouvement, Allegro von brio, est énergique avec une attention particulière portée aux dynamiques et notamment aux sforzandos. Cela permet de donner vie à ce discours musical, pouvant rapidement devenir ennuyeux si la construction globale du mouvement n’est pas bien menée. Mais il n’en est rien, le public reste attentif grâce au fil conducteur que Lahav Shani tire tout au long du début de cette symphonie. Le deuxième mouvement, la fameuse Marche funèbre, est à la fois noble et solennel avec un ton grave. Le Scherzo est vif et enjoué, contrastant avec le mouvement précédent. Les cors se distinguent particulièrement dans le trio avec un son brillant et homogène. Le dernier mouvement conclut de manière héroïque cette prestation du Rotterdam Philharmonic Orchestra. Lahav Shani, dirigeant une nouvelle fois par cœur, propulse la phalange néerlandaise dans une prestation remarquable de ce chef d’œuvre beethovenien. Le public manifeste son enthousiasme dès la dernière mesure et se voit gratifier d’un bis. Il s’agit, comme lors du concert de la veille, d’un arrangement par le chef et pianiste d’une pièce extraite des Romances sans paroles. 

La musique de Dvořák est mise à l’honneur par le Czech Philharmonic avec deux de ses œuvres : le Concerto pour violoncelle en si mineur, Op. 104 et la Symphonie N°6 en ré majeur, Op. 60. Comme la veille, nous retrouvons le chef tchèque Petr Popelka à la direction tandis que Kian Soltani assure la partie de violoncelle solo.

Le concert débute avec l’un des concertos pour violoncelle des plus connus : le Concerto pour violoncelle en si mineur, Op. 104 de  Dvořák. Le concerto débute avec une longue introduction nous plongeant immédiatement dans l’atmosphère de la pièce. L’entrée du soliste est majestueuse. Tout au long de ce premier mouvement, des passages intimes s’alternent avec de grands élans orchestraux. Kian Soltani, parfaitement soutenu par l’orchestre, nous propose une version où il allie sensibilité et intensité. Dans le second mouvement, le violoncelliste autrichien et la phalange tchèque présentent une version méditative avec beaucoup de lyrisme et de délicatesse. Nous retiendrons notamment la beauté des dialogues entre les bois et le soliste. Dans le final, l’accent est mis sur l’expressivité et la virtuosité de Kian Soltani. On retrouve aussi ce côté assez dansant de la musique folklorique que  Dvořák aime tant mettre à l’honneur. L’épisode lent est teinté de nostalgie et est une sorte de réminiscence du deuxième mouvement. La conclusion est triomphale. 

Kian Soltani nous livre une éblouissante prestation démontrant toute sa virtuosité et toutes les émotions qu’il peut transmettre au public avec son violoncelle. L’orchestre, sous la direction précise de Petr Popelka, accompagne avec brio le soliste. Les vents ont fort à faire dans ce concerto et accomplissent cette tâche avec beaucoup de justesse. Notons aussi le beau dialogue entre Soltani et la Konzermeister Irena Jakubcová. Le public acclame la prestation et le violoncelliste nous propose en bis un arrangement qu’il a réalisé pour violoncelle solo, ensemble de violoncelles et une contrebasse. La pièce en question a été composée par Dvořák pour une femme qu’il a aimée : Lasst mich allein.

La Symphonie N°6 en ré majeur, Op. 60 vient clôturer cette deuxième et dernière soirée du Czech Philharmonic lors de cette édition du Festival George Enescu. Cette œuvre allie la noblesse classique et l’essence de la musique tchèque que Dvořák arrive à insuffler de manière aussi réussie dans cette symphonie. Le premier mouvement respire la sérénité, suivi d’un Adagio lyrique et rêveur, où émerge une tendresse intime. Le Scherzo du troisième mouvement insuffle l’énergie populaire avec ses rythmes dansants, avant qu’un final éclatant et joyeux ne couronne l’œuvre dans une atmosphère triomphale.

Le public ovationne la prestation du Czech Philharmonic et de Petr Popelka. La phalange tchèque n’aura pas manqué de mettre son sublime répertoire national à l’honneur lors de ce festival. En bis, nous avons droit au même bis que la veille, à savoir la Danse Slave Op. 72 N°2, Dumka. Cela est un peu dommage, sachant que  Dvořák a composé pas moins de 16 Danses Slaves (Op. 46 et Op. 72) et qu’ils auraient pu proposer une autre pièce, surtout que ces pièces font partie de leur répertoire.

Bucarest, Athénée Roumain et Grand Hall Palace, 5 septembre 2025

Thimothée Grandjean

Crédits phototgraphiques : © Susanne Hassler-Smith

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.