Festival Harpes en Avesnois, 21ème édition

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Concert du 8 février 2015 : Luigi Boccherini (1743-1805) : Fandango – Theresia Demar (1786-1858) : Cavatine variée sur l’air « Tanti Palpiti » - Franz Schubert (1797-1828) : Ständchen – Felix Godefroid (1818-1897) : La Prière des bardes Francesco Petrini (1744-1819) : Duo en mi bémol majeur – Frédéric Boulard, Hokusaï, création mondiale – John Thomas (1826-1913) : Fantaisie sur des thèmes de Carmen
Duo Nefeli (harpes) : Agnès Peytour et Primor Sluchin – Fabien Boichard, basson

L’Avesnois accueille à nouveau, du 6 au15 février, le Festival International de Harpe. Pour sa 21e édition, les artistes investissent des lieux et salles prestigieux de Feignies, Ferrière-la-Grande, Maubeuge et le Musée départemental archéologique de Bavay à l’occasion de la Nuit des Musées le 16 mai. Cette année encore, la diversité des styles est mise en exergue : musique de chambre, musiques celtiques, pop-électro… avec des instruments tout aussi surprenants qu’inhabituels : waterphone, matryomin, ondes Martenot, l’erhu et le koto. La jeunesse, pilier du festival, sera aussi à l’honneur, notamment par la tenue d’une masterclasse dirigée par Isabelle Perrin et la participation de jeunes artistes. Fidèle à son credo, le festival a à nouveau passé commande d’une œuvre à un compositeur français, à destination d’un concert classique. C’est Frédéric Boulard qui a officié cette année avec Okusaï, pour deux harpes et basson autour de la « lumière de Van gogh au regard des estampes japonais ».
Harpe en Avesnois, c’est aussi un lieu de recherches et de découvertes. Ainsi, plusieurs harpes se présentes au spectateur : harpes à pédales, harpe électroacoustique, le Koto qui comporte des leviers que l’on actionne pour produire des demi-tons et la harpe latino-américaine, sans pédales ni leviers.
Nous avons pu assister au concert du 8 février en l’Eglise St Amand à Ferrière-La-Grande. Pour l’occasion, le Duo Nefeli (Agnès Peytour et Primor Sluchin) s’est aventuré dans le monde de la danse autour de compositeurs peu connus du public et pourtant passionnants. On pense immédiatement à Félix Godefroid, compositeur du 19e siècle, avec La Prière des Bardes, pièce trouvée en Suisse par les deux artistes et éditée récemment. On y découvre un monde coloré, virtuose et surprenant tant sur le plan mélodique que harmonique. A côté de l’arrangement plus traditionnel de Ständchen de Schubert se côtoient d’autres auteurs tels que Theresia Demar avec une très belle Cavatine variée sur l’air « Tanti Palpiti » issu de Tancrède de Rossini mais aussi une Fantaisie sur des thèmes de Carmen par John Thomas. Parce que la harpe, selon les mots du président, ne doit pas vivre uniquement dans le passé mais doit aussi et surtout se projeter dans l’avenir, Hokusaï de Frédéric Boulard venait ponctuer la seconde partie du concert avec introspection. Hokusai et Hiroshige, deux grands Maîtres de l’art des estampes, vont introduire dans leurs œuvres l’humanité du Japon. Van Gogh -à qui une exposition est actuellement consacrée à Mons- découvre cet art à Anvers et apprécie la simplicité et la pureté du matériau. Collectionneur animé, Van Gogh acquiert un grand nombre d’estampes et organise une première exposition européenne à Paris. Commande du Festival, Hokusai est une succession de trois estampes pour deux harpes et basson, sous les titres d’œuvres majeures de l’artiste japonais : Yoshida sur la roue de Tokaido (pour deux harpes et basson), Neige à Shinagawa dans la capitale de l’Est (pour deux harpes et gong) et Sous la vague au large de Kanagawa (pour deux harpes et basson). Frédéric Boulard, dans un langage expressif et soigné, développe quelques points importants des musiques traditionnelles japonaises tirés des pièces instrumentales ou de la technique vocale des chants bouddhistes, du théâtre Nô : glissandi, vibratos irréguliers et très amples, utilisation de la voix et des percussions, gravité des timbres, portamento,… toute l’étendue technique et musicale de la harpe. Le basson (Frédéric Boichard) vient ponctuer l’œuvre avec une succession de motifs mélodiques presque surnaturels et montre que le basson est un instrument remarquable, également oublié de nos salles de concert. A l’image des pièces précédentes, les artistes développent ici une écoute sans faille, une recherche permanente d’un son, d’un timbre, le tout avec une palette de couleurs particulièrement expressive. L’auditeur est invité à pénétrer dans un monde imaginaire, celui de la philosophie bouddhiste. Bien sûr, l’œuvre n’est pas japonaise, mais elle reflète bien le regard d’un compositeur sur une pensée. La création est une réussite, tant du point de vue compositionnel qu’interprétatif. Le concert se termine par une rumba endiablée où la harpe sert ici de percussion, une autre technique à découvrir. Comme précédemment, le rapport entre les deux harpes et l’attention des deux artistes sont remarquables. Ce n’est pas une simple démonstration virtuose mais un dialogue musical mature.
Le Festival International Harpe en Avesnois se poursuit dès le 13 février à l’Espace Gérard Philippe avec le Duo Ondes et lyres. Un spectacle en partenariat avec les Jeunesses musicales de France.
Ayrton Desimpelaere,
Eglise de Ferrière la Grande, le 8 février 2015

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