Bonjour Albert Grisar !

par

Bonsoir Monsieur Pantalon
(Albert Grisar)
Née de la passion de deux jeunes musiciens professionnels, la compagnie des Frivolités Parisiennes s'est donné pour but de faire revivre l'opéra-comique, l'opéra bouffe et l'opérette du 19e siècle français. Vingt musiciens et quelques chanteurs parcourent des lieux divers (cette fois un théâtre donnant sur la place de Clichy, dans le 17e), avec de petites oeuvres aisées à monter et choisies dans un répertoire inépuisable où dorment tant de perles oubliées. Les années précédentes, nous avons ainsi pu voir et entendre L'Ambassadrice d'Auberet Le Petit Faust d'Hervé. Si Auber est célèbre, Hervé l'est moins. Que dire alors d'Albert Grisar, très inconnu au bataillon, lui (1808-1869) ? Sauf que nous savons qu'il est belge (une rue porte son nom à Anderlecht) et que, comme Grétry ou Franck, il a passé toute sa vie à Paris. Il y a connu un beau succès en tant que compositeur d'opéras-comiques dans les années 1850, avec Les Porcherons, Gilles ravisseur, ou ce Bonsoir Monsieur Pantalon créé à la salle Favart en 1851. Elève de Reicha puis de Mercadante, il collabora avec Boieldieu et continua à écrire dans ce style alors même qu'il était devenu un peu désuet. Comme cet autre oublié qu'est Ferdinand Poise, Grisar appartenait à un autre temps. Le 21e siècle le repêche, pour notre plus grand bonheur. La distance historique permet d'apprécier plus objectivement la valeur de ce petit bijou perdu. Le livret est classique : Isabelle doit épouser un inconnu pour obéir à son père, mais il s'agira en fait de Lelio Pantalon, celui qu'elle aime. Tout finira bien, après force péripéties et quiproquos. Comme dans tout opéra-comique, on savoure des dialogues très amusants qui prennent environ la moitié de l'œuvre, laquelle dure un peu plus d'une heure. La musique lorgne vers Auber, vers Boieldieu surtout, Ma Tante Aurore, par exemple : mignons petits airs, duos et trios joliment troussés, finale endiablé sur le thème de "Bonsoir Monsieur Pantalon" ! Une soirée très plaisante, d'abord par la découverte d'une partition inconnue, mais aussi par l'incroyable énergie théâtrale et musicale des Frivolités Parisiennes. Dirigés avec passion par Nicolas Simon, les musiciens ont livré une belle prestation, après une ouverture un peu hésitante. Les vents se sont distingués, comme la clarinette de Mathieu Franot, le basson de Benjamin El Arbi ou l'ophicléide de Patrick Wibart. Mise en scène "théâtrale" de Damien Bigourdan. Formidable équipe de chanteurs aussi, dominée dès les premières mesures (sa sérénade) par le Lelio (rôle travesti) de Jeanne Dumat, soprano puissante et très à l'aise sur les planches. Mais il faut citer ses collègues et vraies comparses de jeu, Anne-Aurore Cochet, Clara Schmidt et Halicia Haté. Les hommes ont moins à faire, et se montrent avant tout excellents acteurs : amusant docteur d'Alan Picol et tardif mais truculent Pantalon père de Vincent Vantyghem. Souhaitons tout le bien à cette compagnie dont le prochain spectacle, "Le Guitarrero" d'Halévy, est prévu au Théâtre de la Porte St-Martin, toujours à Paris, le 14 juin prochain.
Bruno Peeters
Paris, Théâtre L'Européen, le 28 janvier 2015

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