Gary Bertini : les enregistrements SWR
Gary Bertini. The SWR Recordings. Oeuvres de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Joseph Haydn (1732-1809), Ludwig van Beethoven (1770-1827), Franz Schubert (1797-1828), Johannes Brahms (1833-1897), Hector Berlioz (1803-1869), Claude Debussy (1862-1918), Richard Wagner (1823-1863). Radio-Sinfonie Orchester des SWR, direction : Gary Bertini. 1978-1996. Livret en allemand et anglais. 5 CD SWR 19139CD
La première réaction à la découverte de ce coffret est le bonheur de pouvoir entendre des témoignages radiophoniques du grand chef d’orchestre Gary Bertini (1927-2005). Bien connu du public de l’Opéra de Paris dont il fut l’un des fidèles invités pour un répertoire allant de Mozart à la création contemporaine, le musicien fut un pilier de la vie musicale de l’Allemagne de l’Ouest : directeur musical de l’Orchestre de la WDR de Cologne (1983-1991) et de l’Opéra de Francfort (1987-1991). Aussi à l’aise en fosse que sur le podium, Gary Bertini était un chef à l’ancienne couvrant un répertoire des plus larges qui eut sans doute le malheur de faire carrière à une époque de grands chefs en nombre, lui laissant relativement peu de visibilité médiatique. Avec la pénurie de chefs actuels, il serait sans nul doute considéré comme une immense baguette !
On l’associe naturellement aux symphonies de Mahler dont il laisse deux intégrales : l’une avec son orchestre de la WDR pour EMI et l’autre, captée Live pour Fontec, avec l’Orchestre Métropolitain de Tokyo auprès duquel il fut directeur artistique et musical (1998-2005). Mais Gary Bertini excellait dans la musique française pour laquelle il avait un goût particulier, ayant étudié à Paris avec Nadia Boulanger, Arthur Honegger et Olivier Messiaen.
En 5 CD, ce coffret complète une discographie officielle pas si importante numériquement mais de haute volée qualitative. L’un des étalons du niveau d’un chef est sans nul doute la pratique des symphonies de Mozart et Haydn, compositeurs représentés par un disque entier. Les Symphonies n°53 et n°95 sont des exemples parfaits de motricité et de tonus. La direction est fraîche et allante et l’orchestre répond avec attention et précision. On aime aussi une Symphonie n°40, à la fois sombre de tons et de couleurs, mais parfaitement cernée avec qu’il faut d’allant et de nuances. Du très grand art de la nuance et des équilibres !
Au sommet du coffret, il faut placer une magistrale Symphonie fantastique, qui fut l’un des chevaux de bataille du chef avec cet orchestre. Gary Bertini avait une familiarité naturelle avec Berlioz dont il laisse une excellente lecture du Requiem et d’autres témoignages de concert. La direction est vive, nerveuse mais jamais brutale ou précipitée. Les tempi sont à la fois flexibles et parfaitement adaptés à ces épisodes de la vie d’un artiste.
Les Symphonies n°1 et n°3 de Brahms sont intéressantes par une lecture qui évite la puissance de la masse instrumentale pour se concentrer sur les équilibres et la lisibilité des phrasés. C’est du Brahms dégraissés avant l’heure qui séduit par cette radiographie de l’instrumentation portée encore par une gestion parfaite du tempo, allant sans être trop rapide.
Cette approche convient un peu moins aux Symphonies n°7 de Beethoven, un peu trop droite et à la Symphonie n°8 de Schubert qui malgré, là encore, des équilibres parfaits, manque de profondeur.
Enfin, le dernier disque nous propose une excellente interprétation de La Damoiselle élue de Claude Debussy, une lecture ciselée qui affirme une limpidité des traits et une finesse apportée aux détails, mettant en avant le génie musical du compositeur (avec Ileana Cotrubas et Glanda Maurice accompagnées du Südfunk-Chor). Enfin, l’ouverture du Vaisseau Fantôme et le "Prélude et la Mort d’Isolde" de Tristan et Isolde, nous rappellent l’excellence du chef dans le répertoire lyrique.
Tout au long de ces 5 albums, le Radio-Sinfonie Orchester des SWR se montre flexible, présentant une sonorité d’ensemble plutôt mate et tranchante mais avec des pupitres qui rivalisent d’excellence. L'adéquation est parfaite avec la baguette plutôt au scanner du chef
Certes, ce n’est pas un coffret indispensable, mais le bonheur de retrouver le grand Gary Bertini aux sommets, saura satisfaire les amateurs de direction d’orchestre.
Son : 8 – Livret : 8 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9
Pierre-Jean Tribot