"2e Quatuor à cordes" d’Arnold Schoenberg, 115 ans

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C’est en écrivant de la musique de chambre, et notamment plusieurs quatuors ou fragments de quatuors à cordes, que Schoenberg a fait, en autodidacte, son apprentissage de compositeur. Son catalogue comporte finalement cinq quatuors, ainsi que des mouvements inachevés et de nombreuses ébauches, auxquels il faudrait ajouter le sextuor à cordes opus 4 La Nuit transfigurée et le Trio à cordes opus 45. Les quatre quatuors dotés d’un numéro d’opus couvrent la période 1905-1937. Ils forment moins un tout homogène qu’ils ne signalent chacun un moment-clé de la création schoenberguienne.

Les deux premiers appartiennent à la période préexpressionniste du compositeur. Ils ont été composés à Vienne, dans un climat d’hostilité que reflètent bien les scandales provoqués par leur création : l’assemblée était houleuse lors de celle du Premier Quatuor, avec le Quatuor Rosé le 2 février 1907, au point que Mahler faillit en venir aux mains pour faire respecter le silence. Mais ce n’était rien comparé au vacarme déclenché par le Second Quatuor, créé le 21 décembre 1908, toujours avec le fidèle Quatuor Rosé et la soprano Marie Gutheil-Schoder qui ne parvenait pas à se faire entendre, et finit le morceau en pleurs.

Le Deuxième Quatuor opus 10 fut écrit entre mars 1907 et juillet 1908.
Il fait intervenir une voix dans les deux derniers mouvements, par un besoin d’élargissement expressif et de dépassement des limites instrumentales qui confère à ce quatuor une place très particulière dans la trajectoire du compositeur et dans l’histoire du genre lui-même. C’est en effet dans cette œuvre que Schoenberg franchit le seuil de la tonalité. On peut le suivre en temps réel. Le fait qu’un tel dépassement soit inséparable du mouvement de la musique et de la signification de la forme témoigne contre un acte de rupture délibéré. Il provient au contraire du choc entre les besoins expressifs et un contrôle rigoureux de la forme. Schoenberg espérait que « l’élaboration stricte qu’exige la variation [dans le troisième mouvement] [l]’empêcherait d’exagérer le ton dramatique de l’œuvre », et il craignait que « l’émotion dramatique du poème ne [le] conduise à dépasser les limites de ce qui est admissible dans la musique de chambre ».

Les deux premiers mouvements sont encore écrits dans le style de la tonalité élargie ; le troisième est à mi-chemin entre tonalité et non-tonalité ; le quatrième largue les amarres d’une tonalité qui n’est plus évoquée que furtivement, notamment à la fin.
Contrairement à toutes les œuvres que Schoenberg avait écrites jusque-là, depuis son sextuor La Nuit transfigurée, ce Deuxième Quatuor revient à la division en quatre mouvements séparés.

 

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