La symphonie n°4 de Bruckner à Bruges avec Anima Eterna

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Ce samedi 27 janvier a lieu le concert de l’orchestre Anima Eterna Brugge au Concertgebouw de Bruges. Ils sont placés sous la direction de Pablo Heras-Casado, l’un des quatre chefs attitrés de l’ensemble. Au programme, un mastodonte du répertoire symphonique : la Quatrième Symphonie dite « Romantique » en Mib majeur d’Anton Bruckner. C’est la version révisée de 1880 qui nous est proposée ce soir. Le concert est d’ailleurs enregistré et fera l’objet d’un disque pour le label Harmonia Mundi.

Tout d’abord, quelques mots concernant Anima Eterna. Cet ensemble, créé par Jos van Immerseel en 1987, est un orchestre à projets se réunissant six fois par an. Leur but est de travailler rigoureusement et de manière historiquement informée des pièces du répertoire. Ils se sont notamment démarqués avec un cycle sur les symphonies de Beethoven ou encore grâce à des œuvres de Mozart et Schubert. Anima Eterna propulse dans le présent la musique écrite entre 1750 et 1945 grâce à son étude des sources historiques. L’orchestre est composé de musiciens internationaux. Il n’y a pas d’auditions pour entrer dans cet orchestre puisque les musiciens sont choisis sur la base des affinités artistiques.

Avant que l’orchestre n’entre sur scène, une présentation a lieu afin de présenter le projet et le but de celui-ci. Nous apprenons ainsi que l’orchestre joue sur des instruments historiques de l’Europe centrale. Le présentateur fait venir sur scène quatre membres de la section de cuivres afin d’expliquer quels instruments ils ont choisis et pourquoi ils les ont choisis.

La section de trompette utilise des trompettes à palettes en fa. Cet instrument allie le passé et le futur puisque c’était un instrument naturel mais il a évolué et dispose désormais de palettes. Cette trompette est très rarement utilisée parce que son jeu est risqué. Cependant la couleur de cet instrument correspond au style des symphonies de Bruckner et donc à l’interprétation de ce soir. La section des trombones utilise des trombones à pistons et non à coulisses. De plus, ils sont beaucoup plus compacts ce qui a pour effet d’avoir un son bien plus concentré. Comme les trombones, le tuba utilisé est assez petit et compact, contrairement aux tubas généralement utilisés. La conséquence est la même : un son plus serré. Pour finir, la section des cors utilise des cors viennois. Il faut savoir que Bruckner a beaucoup collaboré avec des musiciens viennois. D’ailleurs c’est le seul orchestre au monde qui utilise encore les cors viennois. Comme les trompettes, le cor viennois est un instrument naturel auquel on a ajouté des palettes viennoises. Le son est un peu moins puissant mais il y a plus d’harmonie et on peut obtenir ce qu’on appelle le « legato viennois ».

Venons-en à la prestation musicale. Anima Eterna propose une version de qualité. Dès les premières minutes, on sent une cohésion forte entre les musiciens. Tout au long de la symphonie, l’orchestre parvient à garder un flux d’énergie constant. Ce n’est pas chose aisée au vu de la longueur de l’œuvre et des progressions la composant. Pablo Heras-Casado propose une lecture claire mettant en exergue les éléments thématiques les plus importants. La palette de nuances dont l’orchestre fait preuve est large. Il y a autant de passages doux que puissants et ce contraste donne du relief à la pièce. L’investissement de l’orchestre est total, à l’instar de la section des cordes, ils ne font qu’un. Un pupitre se démarque particulièrement : les cors. Leur rôle est d’une grande importance dans cette symphonie et les cinq cornistes ont réussi cette mission avec brio. Au niveau de la disposition de l’orchestre, notons que les contrebasses sont sur une ligne au fond de la scène en étant centrées derrière les cuivres. Le fait que le son soit envoyé de manière centrée derrière l’orchestre apporte une dimension supplémentaire à l’interprétation.

Pablo Heras-Casado sait pertinemment ce qu’il veut obtenir des musiciens et parvient à l’obtenir par une gestique précise et musicale. Il est vrai qu’il y a eu quelques toutes petites imprécisions dans l’orchestre mais ces dernières n’empiètent ni sur la musicalité ni sur l’investissement dont les musiciens font preuve. Rappelons que c’est un orchestre à projets se retrouvant de manière ponctuelle et jouant sur des instruments d’époque.

A la fin de la symphonie, il y a un moment de silence avant que le public ne commence à applaudir vivement. Une standing ovation est réservée aux artistes du soir pour clôturer une belle soirée après la belle interprétation de cette œuvre magistrale.

Bruges, Concertgebouw, le 27 janvier 2024

Thimothée Grandjean, Reporter de l’IMEP

Crédits photographiques : Milagro Elstak

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