Lahav Shani et l’IPO à la Philharmonie de Luxembourg

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Ce dimanche 9 novembre a lieu le concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël à la Philharmonie du Luxembourg. La phalange israélienne, placée sous la direction de son directeur musical Lahav Shani, est actuellement en tournée européenne pour une série de neuf concerts. Au programme de la soirée, deux œuvres emblématiques du répertoire symphonique : le Concerto pour piano n° 5 en mi bémol majeur, op. 73, dit « L’Empereur », de Beethoven, ainsi que la Symphonie n° 5 en mi mineur, op. 64 de Tchaïkovski. Le soliste du soir est le pianiste Yefim Bronfman.

Le concert s’ouvre avec le Concerto pour piano n° 5 en mi bémol majeur, op. 73, dit « L’Empereur ». Cette œuvre présente plusieurs points communs avec la Symphonie n° 3 en mi bémol majeur, op. 55, dite « Héroïque », du même compositeur. Les deux pièces partagent en effet la même tonalité et un souffle épique, tout en repoussant les limites des formes classiques — particulièrement dans le premier mouvement.

Yefim Bronfman démontre ici toute la maîtrise et la musicalité de son jeu pianistique. Le premier mouvement, Allegro, est conduit de main de maître, avec une architecture claire et intelligemment construite. Le pianiste ne tombe jamais dans la redondance, malgré la longueur du mouvement ; au contraire, il en souligne les contrastes, oscillant entre héroïsme et lyrisme. Les cadences sont exécutées avec brio, virtuosité et sensibilité.

L’Adagio constitue un véritable havre de paix, interprété avec une sérénité presque céleste, plongeant le public dans une atmosphère méditative. La transition vers le Rondo s’effectue avec une remarquable fluidité. Dans ce dernier mouvement, Bronfman déploie une intensité jubilatoire et une joie communicative. Le duo avec les timbales — révélant une belle complicité entre le timbalier et le pianiste — marque l’approche de la conclusion, juste avant la dernière explosion orchestrale.

L’Orchestre philharmonique d’Israël soutient le soliste avec une attention constante, dans une œuvre que l’on pourrait presque qualifier de symphonique, tant le dialogue entre piano et orchestre est étroit. Si la présence des cordes se révèle idéale, on peut toutefois regretter des vents légèrement en retrait dans la projection sonore, notamment dans le premier mouvement. Dirigeant par cœur et connaissant sur le bout des doigts cette œuvre, Lahav Shani propose une interprétation alliant sensibilité, musicalité et caractère, bien au-delà du simple contrôle de l’exécution. En bis, Yefim Bronfman interprète Octobre, extrait de la suite pour piano Les Saisons de Tchaïkovski. Un excellent choix pour conclure cette première partie du concert, offrant au public un avant-goût délicat de la seconde partie à venir.

Après l’entracte, place à la Symphonie n° 5 en mi mineur, op. 64 de Tchaïkovski. Cette œuvre cyclique, l’une des premières du genre, a pour thème principal le fatum, autrement dit le destin. L’Orchestre philharmonique d’Israël en propose une version à la fois passionnée et passionnante.

Le premier mouvement s’ouvre sur un motif cyclique, énoncé par les clarinettes dans un unisson d’une belle homogénéité. Ce motif, véritable fil conducteur, parcourt toute la symphonie et en assure la cohérence. Lahav Shani met en valeur la continuité et la logique interne avec une remarquable intelligence, conférant à la structure musicale une grande clarté. L’Andante cantabile atteint une intensité rare, amorcée par un superbe solo de cor après une brève introduction. Le lyrisme qui s’en dégage est d’une splendeur saisissante. L’Orchestre philharmonique d’Israël y déploie toute sa palette sonore, passant des nuances les plus feutrées aux élans les plus amples.

La valse du troisième mouvement, d’une élégance raffinée, constitue une transition idéale vers le finale. Celui-ci, empreint d’une énergie triomphante, dégage un sentiment d’exaltation qui parcourt l’ensemble du mouvement et culmine dans les dernières minutes. L’orchestre, sous la baguette inspirée de Lahav Shani, atteint alors une intensité irrésistible, emportant tout sur son passage.

L’investissement de l’ensemble est total : les cordes, unies et lumineuses, brillent par leur cohésion, et la disposition des altos, placés en face des premiers violons, se révèle idéale. On perçoit avec clarté cette voix souvent discrète dans la texture orchestrale, ici pleinement mise en valeur et dialoguant admirablement avec les autres pupitres de cordes. Les vents excellent également, avec des bois précis et expressifs dans leurs nombreuses interventions et des cuivres éclatants d’ampleur et de puissance. Dirigeant la symphonie par cœur, Lahav Shani fait preuve d’un sens aigu de la construction dramatique : il sait insuffler l’énergie quand il le faut, mais aussi apaiser l’orchestre avec justesse et souplesse.

Après des applaudissements nourris, Shani et l’IPO offrent un Nimrod extrait des Variations Enigma d’Elgar, concluant la soirée sur une note empreinte de sérénité et d’émotion.

Luxembourg, la Philharmonie, le 9 novembre 2025

Thimothée Grandjean  

Crédits photographiques : Sébastien Grébille

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