Le Petit Faust survolté des Frivolités Parisiennes au Théâtre de l’Athénée

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« Je me présente, je m’appelle Henry. Henry Faust ». Lui aussi voudrait bien réussir sa vie, être aimé, être beau et gagner de l’argent mais c’était sans compter sur Méphistophélès.
Dans cette version facétieuse du Faust d’Hervé mis en scène par Sol Espeche, donné actuellement au Théâtre de l’Athénée à Paris, le célèbre docteur connaîtra une lente chute aux enfers : passé de puissant et respecté présentateur de télévision, à candidat de télé-réalité ruiné, condamné à danser pour l’éternité. 

Le pacte de Faust signé avec le diable est toujours le même, que ce soit chez Berlioz, Gounod, ou ici chez Hervé. Mais la comparaison s’arrête là. Le Faust d’Hervé n’aura d’ailleurs jamais bénéficié de la même gloire que celui de ses confrères.

Hervé (1825-1892), père de l’opérette, bien moins connu que son rival Offenbach, s’est lui aussi attelé à faire revivre le Faust de Goethe, en 1869, soit 10 ans après la création de celui de Gounod. Sa version est bien plus déroutante et décapante et tourne en dérision le Faust originel.Pour Les Frivolités Parisiennes, jeune ensemble mené par le bassoniste Benjamin El Arbi et le clarinettiste Mathieu Franot et qui met en lumière le répertoire lyrique léger français du XIXe siècle, ce Faust d’Hervé est un terrain de jeu idéal. Et de jeu, il en sera question tout au long de ce spectacle. Le public du Théâtre de l’Athénée devient le spectateur d’un jeu de télévision, invité à applaudir ou à huer les candidats selon les desiderata d’un exubérant chauffeur de salle, incarné avec panache par Maxime Le Gall. Transposer l’action dans un mythique studio de télévision où vont s’alterner différentes émissions qui ont marqué l’histoire du petit écran, comme La Classe, Tournez Manège, Champs-Elysées et plus récemment Secret Story, est l’idée ingénieuse de Sol Espeche. La metteur en scène et Les Frivolités nous avaient conquis récemment avec Coup de roulis de Messager, qui nous plongeait déjà dans un univers télévisuel.

Faust, interprété brillamment par le ténor Charles Mesrine, est un célèbre présentateur lorsqu’il rencontre Méphisto (ne pas perdre son temps à dire Méphistophélès dans ce monde où tout doit aller vite selon le principal intéressé), ici jouée par la fantasque mezzo-soprano Mathilde Ortscheidt. Oui, chez Hervé le diable est une femme.

Par l’intermédiaire de Valentin, incarné par l’excellent Igor Bouin, qui fait une entrée fracassante et mémorable depuis le public, Faust tombe amoureux de Marguerite, partie s’encanailler à Londres. La Marguerite d’Anaïs Merlin est imprévisible et indomptable et la soprano a tout le panache de son personnage. Après avoir recherché longuement sa chère et tendre durant un speed-dating rocambolesque, Faust retrouve enfin sa promise, qui n’est attirée que par son compte en banque. Valentin, jaloux de l’idylle entre sa sœur et le présentateur, affronte alors son ennemi lors d’un match de catch tordant, entouré par la troupe des Frivolités Parisiennes, déjantée à souhait. Les candidats sur scène sont tous tumultueux et égoïstes, prêts à tout pour remporter la mise.

Aucun temps mort n’est permis dans ce spectacle où la mise en scène fait avancer l’intrigue judicieusement. La chute de Faust devient alors un pur divertissement. Les éclats de rires sont omniprésents et le public assiste, implacable, à la défaite de ce candidat malheureux. 

Grâce à une réécriture du livret, dont les farces vont parfois très (trop ?) loin, les dialogues parlés sont savamment sentis et souvent savoureux. La naïveté de Faust est ici poussée à l’extrême.
Dans ces conditions, il est parfois difficile de se détacher du texte et d’écouter, plus attentivement, toute l’inventivité de la musique d’Hervé lors des différents numéros chantés. Mais loin d’être un simple pastiche du Faust de Gounod ou de celui de Berlioz (la citation de « la chanson de la puce » est risible), la musique d’Hervé assume son originalité et virevolte sous la direction de Sammy El Ghadab, face à des musiciens en tenue de ville. On aurait aimé pouvoir prendre davantage le temps de se délecter de cette musique. Gageons que le Palazzetto Bru Zane, qui coproduit ce spectacle, aura l’idée d’enregistrer cette œuvre.

Ce Petit Faust est une véritable réussite, aussi et surtout, grâce à l’incarnation de la troupe, dont la diction ciselée et le jeu scénique bien senti font merveille. Ces personnages fantasques sont admirablement interprétés par des chanteurs-acteurs truculents ; pas de doute, nous sommes assurément au théâtre ! Les esprits sont libres et légers… à l’image d’Hervé, compositeur injustement oublié.

Le Petit Faust d’Hervé, du 13 au 20 décembre 2025 au Théâtre de l’Athénée à Paris

Marion Guillemet

Crédits photographiques : Marie Pétry

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