Lorin Maazel s’est éteint…

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Alors que Claudio Abbado nous quittait en janvier dernier, un autre sommet de la vie musicale s’éteint. Le chef d’orchestre américain Lorin Maazel, âgé de 84 ans, a succombé ce dimanche 13 juillet en Virginie des suites d’une pneumonie, a annoncé le Castleton Festival. Né dans une famille américaine juive d’origine russe à Neuilly-sur-Seine, sa jeunesse se caractérise par son goût prononcé pour la musique. Le jeune prodige joue du violon à l’image de son grand-père, lui même violoniste au Metropolitan Opera. C’est Vladimir Bakaleinikov qui lui donne ses premières leçons de direction à 7 ans tandis qu’un an plus tard, il dirige pour la première fois en public. A seulement onze ans, il est invité par Toscanini pour diriger l’Orchestre symphonique de la NBC. Ayant brillamment dirigé la plupart des grands orchestre américains entre neuf et quinze ans, il entre à l’Université de Pittsburgh à 17 ans pour y apprendre les langues, les mathématiques et la philosophie. A 23 ans, il fait ses débuts en Europe, plus particulièrement en Italie en remplaçant un chef souffrant au Massimo Bellini Theatre. Quelques moments clés de sa vie musicale : il commence réellement sa carrière dans les années 50, à la tête du Gershwin Concert Orchestra. En 1960, il est le premier chef américain à diriger au Palais des Festivals de Bayreuth. Chef du Deutsche Oper Berlin de 1965 à 1971 puis du RSO de Berlin de 1964 à 1975, il devient directeur musical du Cleveland Orchestra, succédant au grand George Szell. Il assure la direction musicale de l’Orchestre National de France pendant 14 ans à partir de 1977. En tant que directeur et chef principal du Vienna State Opera, il est l’invité à onze reprises du Concert du Nouvel An à Vienne. A partir de 1984, il assure entre autres les fonctions de consultant musical et directeur musical Pittsburgh Symphony Orchestra, chef de la Radio Bavaroise à Munich, directeur musical des New-York Philharmonic -orchestre avec lequel il fit un concert remarqué en Corée du Nord- Arturo Toscanini Philharmonic, Orquestra de la Comunitat Valenciana et enfin le Philharmonique de Munich qu’il a quitté prématurément. En plus des fonctions importantes qu’il assure, il fut souvent l’invité d’orchestres européens, américains et asiatiques tels que l’Orchestre de Paris, le Berliner Philharmoniker, le Vienna Philharmonic Orchestra, l’English Chamber Orchestra et bien d’autres. Chef au tempérament fort et puissant, il ne manquait pourtant pas d’humour. son concert du Nouvel An de 1996 marque toujours les esprits. On se souvient de sa bonne humeur lorsqu’il échange sa place avec un percussionniste ou sa soif pour la conduite et l’orientation de la phrase musicale lorsqu’il reprend le violon. Parfois, il va jusqu’à modifier un tempo pour apporter un effet de surprise saisissant, notamment avec L’apprenti sorcier de Dukas à la salle Pleyel le 1er février 2012. Il a dirigé la musique de trois opéras mis en film : Don Giovanni, Carmen et Otello. Sans oublier ses compositions : un opéra sur un texte de George Orwell joué à guichets fermés à la Scala et enregistré pour Decca dans la production originale de Londres, ainsi que sept autres œuvres écrites entre 1993 et 1999. Quelques chiffres impressionnants : Lorin Maazel a dirigé près de 200 orchestres dans pas moins de 7000 opéras et concerts. Ses enregistrements (près de 300), de Beethoven à Rachmaninov en passant par Richard Strauss et Debussy, sont unanimement salués par la critique. On y apprécie son langage franc, honnête, sans complications futiles et d’un lyrisme toujours bouleversant. Sa battue, sobre, de plus en plus intime avec l’âge, mais stricte a toujours envouté les musiciens. Attaché à la transmission et à la jeunesse, il crée un concours pour jeunes chefs d’orchestre en 2000 alors qu’il a été président de différents jurys de concours internationaux. Deux fois Commandeur de la Légion d’honneur, il laisse derrière lui plus de 75 ans de musique, d’événements majeurs, et une profonde inspiration pour les générations futures. C’est un grand musicien que le monde musical perd, un Maestro incontournable, une personnalité surprenante, qui aura contribué à l’évolution de la musique comme personne. Hasard ou coïncidence, il décède à dix ans près, le même jour que Carlos Kleiber, un autre sommet de la direction. Double hommage pour ces deux grands artistes donc.
Ayrton Desimpelaere

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