Gloire immortelle du Metropolitan !
Charles GOUNOD (1818 - 1893)
Faust
J.KAUFFMANN (Faust), M.POPLAVSKAYA (Marguerite), R.PAPE (Méphistophélès), R.BRAUN (Valentin), M.LOSIER (Siébel), J.BEYER (Wagner), W.WHITE (Marthe), The Metropolitan Opera Orchestra, Chorus and Ballet, dir.: Yannick NEZET-SEGUIN, mise en scène : Des McANUFF
2014-2 DVD-187'-sous-titres en français, anglais, allemand, chinois, coréen-textes de présentation et argument en anglais, français et allemand-Decca 074 3811
Certes, il y a Jonas Kauffmann. Il est partout, de la pochette jusqu'au long du déroulement du menu. Il faut avouer que son Faust est fort crédible, vieux ou jeune. C'est bien sûr à l'acte du jardin qu'il éclate, qu'il se révèle, tant au physique que vocalement. Jeune, beau, amoureux, il est parfait, malgré quelques préciosités ou certains forte pas toujours nécessaires. Mais Faust, ce n'est pas que Faust. Marina Poplavskaya charme par son interprétation touchante. Elle est conventionnelle, oui, avec ses belles tresses, ses yeux mouillés et sa jolie robe bleue mais, vocalement, elle est impeccable. Sa grande scène, air des bijoux compris, est un modèle de chant et d'art dramatique, d'émotion aussi. En plus, elle a droit à son air au rouet (ici, une machine à coudre) au début de l'acte IV, souvent omis. Dramatiquement, le Méphistophélès de René Pape les dépasse d'une large coudée. Ce n'est pas une grande voix, pourtant, mais quelle prestance, et quelle présence surtout ! Dès son arrivée devant un Faust médusé, très chic et tout de blanc vêtu, il s'imposera jusqu'à la scène finale de la prison. Sans aucun effet particulier (à part quelques tours de magie), il domine l'opéra en diable discret, sûr de lui. Le rôle est en or, on le sait, et Pape s'en empare avec une efficacité totale. Le sommet est atteint à l'invocation de l'acte III "Ô nuit, étends sur eux ton ombre". Il poursuit avec la célèbre sérénade, puis sa terrible intervention dans la scène de l'église. Une incarnation mémorable qui vaut à elle seule l'acquisition du DVD. Exquis Siébel effronté de Michèle Losier, Valentin sonore de Russell Braun, Dame Marthe truculente comme il le faut de Wendy White et très excellent Wagner de Jonathan Beyer qui aurait pu tout aussi bien chanter Valentin. Un garçon prometteur. Yannick Nézet-Séguin, super star canadienne, ne mérite que des éloges. Il souligne la finesse de l'orchestre de Gounod, trop souvent ignorée. Le choral des épées est impressionnant, le quatuor de l'acte III, délicatement ourlé, et le fameux choeur "Gloire immortelle de nos aïeux", pompier comme on l'aime. L'accompagnement de l'air de Faust "Salut, demeure chaste et pure" est un modèle de soutien instrumental, avec un premier violon en état de grâce. La mise en scène ? Pour une fois, elle n'accapare pas toute l'attention, ni du public, ni du critique. Il y a transposition temporelle quand même, mais légère. Les soldats reviennent de l'an 1914 -croirait-on- et le laboratoire de Faust pourrait être celui de Doctor Atomic. Et que vient faire ce zombie (Satan ?) à la fin de l'acte III ? Aucune importance. Voilà un excellent Faust de Gounod pour les générations actuelles : il témoigne de la pérennité d'un chef-d'oeuvre absolu du répertoire lyrique. Et aussi de la perfection artistique du Metropolitan Opera de New-York.
Bruno Peeters