Mahler en toute neutralité 

par

Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie nᵒ 5 en do dièse mineur. Orchestre symphonique de Montréal, Rafael Payare. 2022. Livret en anglais et français. 68’01’’. Pentatone PTC 5187 067 


Cette parution marque les débuts au disque du chef d’orchestre vénézuélien Rafael Payare dans le cadre de son mandat à la direction musicale de l’Orchestre Symphonique de Montréal. La sortie de cet album est concomitante avec des concerts de prestige de la phalange canadienne à Washington et Montréal dans cette même Symphonie n°5. 

A l’inverse des phalanges étasuniennes, toutes avides de symphonies de Mahler, partitions de démonstration à même de mettre en valeur la virtuosité des pupitres, l’Orchestre Symphonique de Montréal a tout à prouver dans ce répertoire, étalon de la qualité des orchestres. La réputation de l’orchestre canadien repose toujours sur les légendaires disques de Charles Dutoit pour Decca, principalement consacrés aux répertoires français et russes. Kent Nagano, lors de son mandat, s’était aventuré vers Mahler avec 2 albums avec des oeuvres  chantées, qui valaient surtout pour la prestation des chanteurs.  

Virtuose du cor qui a monté les échelons du El Sistema vénézulien, Rafael Payare est souvent comparé à son illustre compatriote Gustavo Dudamel dont il partage le goût pour les œuvres symphoniques de parade. La récente désignation du "Dude" au Philharmonique de New-York, ville pas si éloignée de Montréal, risque d'attiser les comparaisons. On se souvient que Dudamel avait d’emblée séduit le milieu musical par un album consacré à cette même symphonie n°5 (DGG), oeuvre dont il a déjà laissé d’autres témoignages majeurs comme avec le Philharmonique de Berlin.  

Si comparaison n’est pas raison, force est de constater que cette présente gravure ne bouleverse pas la discographie et se perd même dans son ventre mou. Rafael Payare ne semble pas avoir de lignes directrices autres qu'une conduite neutre et linéaire, dans sa vision d’ensemble d’une symphonie qu’il fait sonner comme un concerto pour orchestre géant. Défaut de bon nombre de chefs actuels : certains passages largement surjoués sont reliés entre eux par des tunnels interprétatifs. Quelques emballements mais beaucoup d’ennuis sous cette direction. 

Il n’y a pas le tragique d’un Bernstein, l’acuité d’un Haitink, la plastique de Chailly, le soin des équilibres d’un Boulez ou la transe chorégraphié mais jubilatoire et galvanisante d’un Dudamel. L’Orchestre Symphonique de Montréal est certes concentré, mais on peine à s’extasier devant des pupitres manquants d'impacts, d'individualités et de personnalités. La comparaison avec la récente lecture consensuelle de Semyon Bychkov, portée par un orchestre techniquement stratsophérique (chez Pentatone) est sévère pour cette version. 

On peut se demander si ce choix éditorial était le meilleur pour des débuts discographiques... Poser la question, c'est déjà y répondre. 

Son : 8 – Livret : 8 – Répertoire : 10 – Interprétation : 5

Pierre-Jean Tribot

 

 

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