Mozart d’avant !
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Mozart Jubilee Edition. 1950-1958. Livret en anglais. 14 CD 484-3134.
Decca Eloquence nous propose un sympathique coffret, plongée dans l'archéologie de l’interprétation mozartienne.
En 1956, pour célébrer le bicentenaire de la naissance de Mozart, Deutsche Grammophon lançait l'« Édition Jubilé » sur six vinyles de prestige avec un Mozart de profil, aux contours argentés se détachant d’un fond uni. La réédition de ces albums est le prétexte à ce coffret, mais Decca Eloquence propose de les mettre en relief avec d’autres enregistrements contemporains que DGG avait consacrés à Mozart.
Certains de ces albums comme des concertos pour piano de Mozart avec Clara Haskil ou des symphonies dirigées par Ferenc Fricsay sont plutôt bien connus par leurs nombreuses rééditions alors que d’autres sont de leur côté tombés dans un oubli plus ou moins complet comme ceux du chef d’orchestre Bernhard Paumgartner ou des pianistes Helmut Roloff et Heinz Scholz.
Le coffret propose également des enregistrements du label Archiv, filiale de DGG dédiée principalement à la musique ancienne et baroque, et qui avait documenté du répertoire rare de Mozart et les interprétations sur pianofortes dans des démarches qui se voulaient instrumentalement informées.
Niveau interprétatif, il y a évidemment de tout. On apprécie de retrouver la direction stylée et musicale de Ferenc Fricsay ou la fluidité inspirée du piano de la légendaire Clara Haskil. Le Requiem de Mozart sous la direction de Jochum à la tête de forces viennoises est de hautes qualités musicales, si on fait abstraction de l’effectif massif. Les ouvertures et une sélection d”airs des opéras sont menées par des artistes de haut vol(Maria Stader, Irmgard Seefried, Ernst Haefliger, Walter Sudwig) dans des styles qui laissent la musique s'écouler avec naturel.
D’autres lectures malgrés leurs grandes qualités sont certes intéressantes dans leur approche, mais peinent à passer le poid des années, à l’image de la direction de Bernhard Paumgartner, éminent chef et musicologue dont l’approche révèle une forme d'ascèse d’un moine dévoué à son dieu. On note le contrôle total des effets, mais la massivité des effectifs est un peu dépassée. On peut ainsi juger comme un prototype interprétatif, le Concerto n°12 avec en soliste, au pianoforte Heinz Scholz.
Pilier de la DGG, dans les années 1950, le chef d’orchestre Ferdinand Leitner est particulièrement actif dans ce coffret, que ce soit en accompagnement de concertos (superbe Concerto n°23 avec Monique Haas) et de solistes vocaux ou dans des oeuvres purements orchestrales comme la Sérénade 'Haffner'. C’est un Mozart un peu carré, mais toujours élégant. On peut mettre au même niveau les gravures du chef d’orchestre Fritz Lehmann, du solide avec une Gran Partita en compagnie des solistes des Berliner Philharmoniker.
D‘autres albums ont bien plus vieillis, de style et de ton comme les Concertos pour violon n°4 et n°5 avec Wolfgang Schneiderhan ou la Messe du Couronnement dirigée par Igor Markevitch à Berlin.
Les albums de petites pièces instrumentales et vocales repiquées du catalogue Archiv sont sympathiques dans une optique documentaire malgré le brio et l'engagement des artistes.
Dès lors, un coffret pour l’histoire, au sens documentaire pour parfaire notre connaissance de l’histoire de l’interprétation qui n’est pas que ‘du passé faisons table rase” mais qui s’intègre dans un continuum long.
note globale : 8