Musique de chambre de haut vol aux Rencontres musicales internationales d’Enghien
Comme l’expliqua en peu de mots et avec modestie Olivier Roberti —fondateur, cheville ouvrière et âme des Rencontres musicales internationales d’Enghien - IMUSE— cela fait déjà 33 ans que le cadre idyllique du château d’Enghien accueille pendant une semaine au mois d’août des master classes de haut niveau où des aspirants-musiciens venus du monde entier peuvent profiter du savoir et des conseils d’enseignants de haut niveau (violon, alto, violoncelle, piano et chant) et que se tiennent parallèlement des concerts de musique de chambre où se retrouvent enseignants et invités, alors que les jeunes talents peuvent s’y faire entendre à deux reprises : une fois pour les jeunes chanteurs, l’autre pour les instrumentistes.
Le concert d’ouverture tenu dans les impressionnantes anciennes Écuries du château offrait à un public regroupant mélomanes et participants aux cours la possibilité d’entendre dans une ambiance chaleureuse et décontractée des artistes de grand talent dans un répertoire de musique de chambre sortant résolument des sentiers battus.
La soirée s’ouvrait sur la Rhapsodie pour Violoncelle et piano n° 1 de Bartók (écrite à l’origine pour violon et piano, quoique rapidement adaptée pour le violoncelle par le compositeur lui-même). Comme souvent dans son œuvre, le compositeur s’y base sur d’authentiques mélodies de ces folklores hongrois et roumain auxquels il vouait une vraie passion. Cette œuvre captivante et accessible permit de découvrir une compatriote du compositeur de grand talent, la violoncelliste Ildikó Szabó. Son approche spontanée et volontaire ainsi que sa parfaite compréhension du style du compositeur hongrois nous valut une interprétation très convaincante, d’autant qu’elle bénéficia d’une partenaire non moins impliquée qu’elle en la personne de la pianiste Christia Hudziy (même si l’acoustique assez particulière du lieu, à la fois réverbérante et assez dure, n’est pas à l’avantage des pianistes).
Lui succédèrent le violoniste Philippe Graffin (au nombre des professeurs de ces Rencontres) et la pianiste Marisa Gupta -partenaires à la scène comme à la ville- qui se firent d’abord entendre dans une véritable rareté “l’Andante rubato alla zingaresca”, extrait des Ruralia Hungarica d’Ernõ Dohnányi, brève et langoureuse pièce de style tzigane où le violoniste se montra particulièrement charmeur, avant que le duo ne passe à la version pour violon et piano du Boeuf sur le toit (1919) oeuvre délicieuse de Darius Milhaud, compositeur par trop négligé. Milhaud se base sur une chanson brésilienne qui porte ce titre, traitée ici dans un style années folles, mêlant lyrisme, modernisme, impertinence et une irrésistible touche de café-concert. Les interprètes y firent preuve d’un mordant et d’un chic fou, la pianiste maîtrisant parfaitement l’acoustique un peu traîtresse du lieu.
La soirée se termina sur une très belle version du trop rare Trio se sol mineur Op. 3 d’Ernest Chausson où Graffin, Szabó et Gupta firent honneur à cette musique qui marie heureusement l’influence de ses deux professeurs : d’un côté, l’élégance bien française de Massenet; de l’autre, le langage harmonique et la forme cyclique de César Franck (et on peut y ajouter une petite dose d’harmonies wagnériennes).
D’un bout à l’autre de ce Trio, on apprécia la délicatesse de Philippe Graffin, la fermeté d’Ildikó Szabó et la maîtrise de Marisa Gupta qui domina sans difficulté la dense écriture pianistique sans jamais écraser ses partenaires. La délicatesse et l’intensité du premier mouvement, le Scherzo vif-argent, le mouvement lent avec une montée en intensité expressive superbement menée après l’introduction rêveuse confiée au piano, le joyeux et bondissant Finale permirent aux interprètes de se montrer sous leur meilleur jour, clôturant ainsi une soirée musicale de grande qualité.
Enghien, Anciennes Écuries du Château, 16 août 2025.
Crédits photographiques : Kaupo Kikkas