Pancho Vladigerov, deuxième volume de ses œuvres orchestrales

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Pancho Vladigerov (1899-1978) : Rhapsodie bulgare « Vardar » op. 16. Sept danses symphoniques bulgares op. 23. Rachenitsa op. 18 n° 2. Suite bulgare op. 21. Quatre danses symphoniques roumaines op. 38. Deux pièces symphoniques roumaines op. 39. Danse balkanique op. 46 n° 3. Quatre valses pour orchestre. Danza primordiale op. 53 n° 3. Foxtrott, sans numéro d’opus. Grigoras Dinicu (1889-1949) : Hora staccato, orchestration Pancho Vladigerov. Avec un interview de Pancho Vladigerov. 1970-1975. Orchestre symphonique de la Radio nationale bulgare, direction Alexander Vladigerov. Notice en allemand et en anglais (traduction de l’interview en deux langues). 154.42. Un album de deux CD Capriccio C8053.

Le label Capriccio propose un quatrième volet à la série d’enregistrements historiques qu’il consacre au compositeur bulgare Pancho Vladigerov dont nous avons déjà présenté les concertos pour piano (17 octobre 2020), le premier album de l’œuvre symphonique (18 décembre 2020) et les partitions pour cordes (24 février 2021). Nous renvoyons le lecteur à ces trois articles pour la biographie de ce créateur postromantique qui, rappelons-le, est encensé dans son pays et a fait dans les années 1970 à 1975 l’objet d’une trentaine d’enregistrements sur disques Balkanton, dirigés par le fils du compositeur, Alexander Vladigerov (1933-1993). C’est cette série qui sert de support à la présente collection, qui compte désormais neuf CD. Rappelons encore que l’écriture de Vladigerov père s’inscrit dans l’héritage de la tonalité et dans celle de la grande tradition slave. 

Lors de nos précédentes présentations, nous appelions de tous nos vœux la présence du Poème juif pour orchestre de 1951 que Chostakovitch admirait. Ce ne sera pas encore pour cette fois, ce volume n° 2 des œuvres orchestrales étant voué à de la musique que l’on pourra qualifier de « divertissement », mot pris au sens large, rhapsodies, valses et danses se succédant avec verve et couleurs. En deux parties distinctes : le premier CD reflète l’inspiration bulgare, le second l’univers sonore roumain. La Rhapsodie bulgare « Vardar » de 1922, écrite d’abord pour violon et piano, existe en plusieurs versions dont celle pour orchestre de 1928 qui est la plus jouée. Le premier volume de la série Capriccio en proposait la version pour violon et cordes. Cette page emblématique correspond dans l’esprit à la Rhapsodie roumaine n° 1 d’Enesco, à Pump and Circumstance d’Elgar ou au Beau Danube bleu, en termes d’image emblématique de leur pays. On en soulignera le côté jubilatoire, Vladigerov utilisant divers thèmes populaires dans un contexte de danses très enlevé. Les Sept danses symphoniques bulgares de 1931 lui succèdent, avec une série de pièces animées et festives qui pourraient aisément faire l’objet de bis en concerts, mais dont la cohérence même du climat, avec ici aussi des réminiscences populaires, est celui du dynamisme et de l’inventivité. C’est une belle démonstration du savoir-faire orchestral de Vladigerov. Tirée des Deux paraphrases bulgares de 1925, Rachenitsa, elle aussi écrite d’abord pour violon et piano, est une pièce lyrique dans laquelle un violon éthéré respire la joie. Ce premier CD s’achève par la Suite bulgare de 1927 en quatre parties, hymne à la terre natale, avec une marche festive où l’on retrouve des échos de Wagner, un chant nostalgique qui a souvent tenté les violonistes du cru dans la transposition pour leur instrument, une danse et une nouvelle et fière Rachenitsa. On reconnaîtra à toutes ces pièces, qui sont écrites avant les trente ans du compositeur, un côté brillant et séducteur, bien souligné par l’orchestre de la Radio bulgare et par son chef qui sert les partitions de son père avec une belle générosité. On lira aussi dans la notice les quelques considérations de Vladigerov lui-même quant à l’amour que sa musique exprime envers la Bulgarie. 

Le second CD est représentatif de l’amitié forgée par Vladigerov avec des figures éminentes de la vie culturelle roumaine, au sein de laquelle sa musique était appréciée. Trois partitions datant de l’époque de la Seconde Guerre mondiale évoquent le souvenir de George Enescu, dont les couleurs orchestrales, notamment celles des Rhapsodies roumaines enthousiasmaient le créateur bulgare. Les Quatre danses symphoniques roumaines, les Deux pièces symphoniques roumaines (dédiées à Enescu) et la Danse balkanique en sont des illustrations significatives. On y retrouve toute l’imagination du compositeur qui s’inspire de thèmes régionaux ou populaires, avec de superbes séquences pour les cordes, en particulier les violons. La virtuosité éclate de façon magistrale dans la Danse balkanique et se prolonge dans l’arrangement fait par Vladigerov de l’Hora Staccato du violoniste roumain Grigoras Dinicu, célèbre virtuose et élève de Carl Flesch. Le programme est complété par Quatre valses de 1943, fraîcheur et élégance garanties, par une délicieuse Danza primordiale de 1953 et par un Fox-trott dont l’origine remonte à 1925 et pour lequel Vladigerov a aussi imaginé plusieurs versions. L’éditeur a eu la bonne idée d’ajouter un bonus :  six minutes d’interview du compositeur, non datée mais traduite dans la notice. Vladigerov y évoque quelques souvenirs que l’on découvrira avec intérêt. 

Capriccio fait œuvre utile en republiant ce vaste panorama d’un créateur de talent, dont la capacité imaginative est démontrée dans chacun des albums proposés. Sur le plan de l’interprétation, l’investissement du fils du compositeur, Alexander Vladigerov est une garantie de qualité ; il insuffle aux forces de la Radio bulgare l’énergie, les rythmes et les nuances qui auréolent les partitions de son père. Le son des années 1970 a été retravaillé dans un studio viennois, mais il montre parfois certaines limites. Reformulons l’espoir qu’un troisième volume orchestral nous rendra le Poème juif. Nous serions dès lors comblés. 

Son : 7  Notice : 10  Répertoire : 8  Interprétation : 10

Jean Lacroix 

 

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