Première biographie en français pour le compositeur suisse Hans Huber

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James Lyon : Hans Huber ou l’humanisme musical bâlois. Infolio éditions, collection Presto. ISBN 978-2-88968-182-2. 2025. 63 pages. 10 Euros.

Dans le catalogue des éditions Infolio, établies depuis 1999 à Gollion, commune suisse proche de Lausanne, on trouve une collection intitulée « Presto » qui, de l’aveu des directeurs Patrick Amstutz et Frédéric Rossi, remet dans la lumière des personnages ou des thèmes suisses, illustre ou méconnus. Le format de cette collection illustrée (11 x 17 cm), son prix très doux et la diversité des biographies qui la composent (on compte désormais plus de soixante titres) est une aubaine pour les lecteurs à la recherche d’une synthèse claire et efficace sur les sujets traités. 

La musique est bien représentée dans la collection : Gustave Doret et Émile Jaques-Dalcroze y figurent déjà, Henri Gagnebin et Arthur Honegger sont annoncés. Ils côtoieront Nikita Magaloff, Igor Markevitch ou Ignaz Paderewski, dont les liens avec la Suisse sont étroits, jusqu’à l’installation dans le pays. Un approfondissement d’autres figures emblématiques de la musique helvétique a été, en toute logique, confié à l’historien de la musique James Lyon, né à Lausanne en 1954 et installé en France. Celui-ci a effectué une carrière de violoncelliste et de professeur et a été directeur du Conservatoire d’Évry pendant de nombreuses années. En 2023, après d’autres parutions consacrées à Bach, à l’hymnologie, aux rapports de Pestalozzi ou Dickens avec la musique, à Janáček, Sibelius et Vaughan Williams, Lyon a publié, chez Slatkine, à Genève, Une histoire de la musique en Suisse. Réflexion sur la culture helvétique. Une somme de plus de 650 pages qui comble une lacune et fait désormais autorité, vu sa dimension et les divers domaines qu’elle couvre. 

Pour la présente collection Presto, James Lyon a rédigé en 2024 la biographie d’Émile Jaques-Dalcroze (1865-1950), compositeur prolifique, figure emblématique de la pédagogie musicale, qui enseigna à Genève, Londres et Paris, et connut une réputation mondiale. Cette fois, il se penche sur le compositeur, pianiste et pédagogue Hans Huber (1852-1921), originaire de Eppenberg, dans la partie orientale du canton de Soleure, à un peu plus de soixante kilomètres de Bâle, où Huber accomplira la plus grande partie de sa carrière. Formé d’abord à Soleure, il se rend en 1870 à Leipzig, où il a notamment pour professeurs Carl Reinecke (1824-1910) pour le piano, la musique de chambre, la composition et le chant choral, et l’organiste saxon Ernst Friedrich Richter (1808-1879) pour la théorie musicale. À Leipzig, Il rencontre Liszt, Wagner, Brahms et Raff, son compatriote. Après quelques années de cours donnés en Alsace, Huber s’installe à Bâle en 1877, y enseigne, épouse la cantatrice Ida Angelika Petzold (1857-1925) en 1880, et est nommé directeur du conservatoire local, poste qu’il occupera pendant près de vingt-cinq ans. Il décède à Locarno.

Son important catalogue est riche en musique orchestrale, dont huit symphonies, et en musique de chambre, vocale et instrumentale ; on lui doit aussi cinq opéras, oubliés. James Lyon, qui répond parfaitement au calibrage de la collection Presto (60 pages, illustrations comprises) fait une synthèse claire et concise de la production de Huber, reconnu de son vivant comme une figure majeure de la musique suisse. Il accorde à ses symphonies, toutes créées à Bâle, une attention particulière, notamment à la Deuxième, la Böcklin-Symphonie, composée pendant les dernières années du XIXe siècle. Bien qu’il n’y ait pas eu de rencontre, Huber s’intéressait à la peinture du peintre bâlois Arnold Böcklin (1827-1901), un des principaux représentants du symbolisme allemand. La Troisième, créée en 1902 et dédiée à Richard Strauss, fait appel à une soprano ; la Cinquième de 1906 est poétique, avec violon solo. La Sixième de 1911 déborde d’imagination mélodique, entre ton humoristique et tragédie. Les beautés de ces partitions sont bien mises en évidence par le biographe, dans un style clair et vivant.

James Lyon souligne le fait que Huber, compositeur réputé en Suisse mais peu connu ailleurs, possédait une culture humaniste et était sensible au respect de la conscience historique et à l’autorité intellectuelle des historiens de son entourage. Il signale encore, en quatrième de couverture, que bien que marqué par les partitions de Schumann, Brahms et Richard Strauss, Huber put s’en libérer en créant un son spécifiquement helvétique au sens mythologique du terme comme l’atteste sa prédilection pour le cor des Alpes

Enrichi par des illustrations, y compris en couleurs, dont on soulignera la qualité, par une chronologie et une sélection bibliographique, ce petit volume se révèle précieux pour partir à la découverte de Hans Huber. Pour compléter l’approche et la concrétiser, on pourra se diriger vers l’intégrale des huit symphonies, jouées par la Philharmonie de Stuttgart dirigée par Jörg-Peter Weigle, parue en coffret chez Sterling, vers un CD Schweizer Fonogram qui propose des pages orchestrales, ou vers CPO pour de la musique de chambre.   

Un autre ouvrage de James Lyon, consacré au compositeur suisse Hermann Suter (1870-1926), un élève de Hans Huber, est annoncé dans la collection Presto. On l’attend avec un vif intérêt.     

Jean Lacroix   

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