Mots-clé : Arturo Chacón-Cruz

Carmen à l'Opéra de Liège

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A l’Opéra de Liège, l’incontestable succès de Carmen appartient en grande partie à sa Carmen, la mezzo-soprano italo-américaine Ginger Costa-Jackson. Une voix originale, aux résonances particulières, solide, imposante, affirmée sans jamais être vulgaire, ensorceleuse, railleuse, colérique aux éclats cruels. Une voix qui dit, qui est le personnage qu’elle chante : l’entendre, c’est (re)connaître Carmen dans sa revendication éperdue de liberté, encore et encore répétée. C’est cette Ginger Costa-Jackson qu’ailleurs j’ai pu entendre dans le tout autre rôle du Chérubin des Noces de Figaro ! Ce qui prouve combien elle excelle à jouer de son « instrument ». Corporellement aussi (et dans les costumes si bien pensés et conçus de Betitxe Saitua), elle a le dynamisme, l’emportement, la souplesse féline, les élans, l’impudence de la gitane. Elle, Carmen voix, corps et âme.

Il est vrai que Marta Eguilior, la metteure en scène et décoratrice, l’a installée dans un univers scénique qui lui permet de se déployer.

Nous sommes dans une Espagne des processions de la semaine sainte, avec les immenses chars aux immenses statues et crucifix, avec les cortèges de pénitents aux chapeaux en pointe haute. Des processions qui disent le sacrifice, la culpabilité, la repentance. Le sacrifice de Carmen, la repentance flagellée de José qui revit tout cela. Nous sommes plongés dans un univers aux rouge et noir contrastés. Rouge des uniformes, noir de certaines apparitions. Des atmosphères amplifiées par les très belles lumières de David Alcorta. Des images : l’immense char-autel du surgissement de Carmen, l’arrivée sur un fond rouge feu d’Escamillo le toréador, les arbres épineux décharnés de la scène de la montagne, les masses colorées des chœurs, les enfants-toréadors. Oui, une cérémonie cruelle qui culmine dans un meurtre et dans un cri.

Les Contes d'Hoffmann à Barcelone

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Avec le Teatro Real de Madrid, le Liceu est une des rares maisons d'opéra qui survivent à l'actuelle débâcle. Au dernier mois de décembre, plusieurs représentations de “La Traviata” ont dû être annulées suite à des restrictions gouvernementales drastiques. La direction, ayant fait valoir les efforts techniques et d'organisation mis en pratique pour assurer une sécurité maximale de spectateurs et artistes, a finalement obtenu l'autorisation de continuer leur saison. « Les Contes d'Hoffmann » mis en scène en 2012 par l'équipe de Laurent Pelly retrouvent ici une distribution de haut vol, mais surtout une volonté de survie et de dépassement des difficultés qui frappe le spectateur. L'orchestre, mené de main de maître par Riccardo Frizza, élégant et souple à souhait dans l'accompagnement, chaleureux et structuré dans les parties instrumentales, joue avec un tel degré de concentration qui se met au niveau des plus grands ensembles du moment. C'est vrai que cette phalange suit ces dernières années un mouvement ascendant, mais c'est un plaisir de l'entendre à ce niveau et nous réconforte quant aux menaces qui guettent actuellement les activités culturelles. Car le formidable réservoir de mémoire qui constitue un orchestre et, a fortiori, une maison d'opéra, sont des éléments que les responsables de la culture devraient tenir bien présents lorsqu'ils se fourvoient dans la gestion des problèmes urgents, oubliant que l'art et la culture nous définissent en tant qu'êtres humains.