Mots-clé : e Maria Vicenza Cabizza

Gaudeamus festival : « Nous sommes ici pour l’art de demain »

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Découvrir un festival, c’est aussi fourrer son nez dans son environnement, l’endroit où il se love, où il prend ses aises : pour Gaudeamus, c’est Utrecht, quatrième ville des Pays-Bas avec près de 400.000 habitants, une des plus anciennes, avec ses quartiers de petites maisons en briques, en même temps qu’elle accueille pléthore d’étudiants -qui se chargent d’animer la ville et de déborder des pistes cyclables ; et renifler ces spécificités qui viennent de l’histoire, de la vie telle qu’elle s’est construite au fil du temps : pour le festival, c’est la volonté (« Un jour, je rendrai quelque chose à ce pays qui m'a sauvé. ») de Walter Maas, 36 ans, caché pendant la guerre, qui souhaite « faire [sa] modeste part pour […] la reconstruction culturelle des Pays-Bas » en ouvrant la Huize Gaudeamus au développement de jeunes musiciens, avec l’idée directrice de « faire progresser le développement musical en encourageant les talents authentiques ».

Trois quarts de siècle plus tard, de Bilthoven, en passant par Amsterdam avant de revenir à Utrecht, à côté de son lieu de naissance, les jeunes musiciens sont toujours au centre du travail de programmation du festival, qui privilégie la prise de risque au conservatisme, comme le confirme le compositeur Aart Strootman, lauréat du Prix Gaudeamus 2017 qui, dessinant l’état des lieux de la nouvelle musique néerlandaise -il rend au passage un hommage appuyé à Louis Andriessen-, rappelle que « les plus grands innovateurs dans le domaine de la musique sont les plus susceptibles d’être qualifiés de "à risque" » : ils sont souvent hors du cadre -commercial en particulier- mais c’est précisément là réside le « potentiel de croissance, d’aventure et de poésie ».

Chaque jour parmi les cinq que dure Gaudeamus, je suis confronté aux conséquences de cette prise de risque : ça ne réussit pas toujours -loin de là ; la programmation est d’ailleurs coutumière de critiques acerbes, même si elle peut s’enorgueillir de premières marquantes (les 100 métronomes du Poème symphonique de György Ligeti en 1963) et d’un rôle de défricheur de talents ultérieurement révélés (le concert d’ouverture de 1994 de l’Anglais Richard Ayres, à la renommée maintenant internationale, est qualifié dans la presse de « début désastreux » -il remporte pourtant le Gaudeamus Award cette année-là) : « Gaudeamus n'est pas là pour être applaudi, mais pour donner un espace aux jeunes compositeurs et artistes sonores qui explorent la terra incognita ».