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Debussy, Ravel et Attahir par le Quatuor Arod 

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Le Quatuor Arod s’est imposé comme l’un des ensembles de chambre les plus brillants de la scène mondiale actuelle. A l’occasion de ses 10 ans, le Quatuor Arod fait paraître  un album  qui propose les quatuors de Debussy et Ravel mis en relief par une création de Benjamin Attahir. Cet enregistrement Erato est complété par un documentaire du légendaire Bruno Monsaingeon “Le quatuor Arod - Ménage à quatre” qui nous plonge dans le quotidien des musiciens.  Crescendo Magazine s’entretient avec Jérémy Garbarg, violoncelliste, du Quatuor Arod. 

Votre album propose les Quatuors à cordes de Debussy et Ravel, deux piliers du répertoire, en particulier pour des interprètes français. Qu’est-ce qui vous a motivés à enregistrer, maintenant, au stade actuel de votre évolution artistique, ces deux partitions et pas avant ?

Pour un quatuor français, s'attaquer aux quatuors de Ravel et Debussy est une étape assez symbolique. L'année des 10 ans d'existence du Quatuor Arod semblait être le bon moment pour s'adonner à ce répertoire que nous chérissons. En tant qu'artistes, nous avons été baignés toute notre vie dans la culture de la musique française mais aussi de toutes ses formes d'art, et aborder ce langage nous est apparu comme quelque chose d'évident. Durant ces dix années d'existence, nous avons peaufiné les couleurs de notre instrument quatuor, et marquer cette saison anniversaire par l'approfondissement et l'enregistrement de ces chefs-d'œuvre nous a profondément inspirés et fait évoluer. 

Votre album propose le premier enregistrement de l’édition révisée RAVEL EDITION du Quatuor pour instruments à cordes de Ravel. Qu’est-ce que cette édition vous a apporté  ? En quoi cette édition révisée a-t-elle questionné votre connaissance  de la partition de Ravel ?

La question de l'édition est toujours centrale dans notre travail de recherche autour de l'œuvre que nous travaillons et la découverte du travail de la RAVEL EDITION a profondément remis en question certains aspects de l'œuvre. Là où le novice ne voit qu'une différence de nuance, d'emplacement d'une dynamique, d'un phrasé, nous voyons l'expression d'un premier geste artistique altéré par la volonté d'interprètes de l'époque, le travail bâclé d'éditeur qui prend des libertés dans la copie, et un rapport à la musique plus libre de la part du compositeur. Le travail de la RAVEL EDITION consiste à revenir à la source et à comprendre le pourquoi des modifications ultérieures. Obtenir ces éléments de réponse en tant qu'interprètes a permis de trouver plus de cohérence dans la partition à beaucoup de moments où nous nous questionnions. De plus, cela permet aussi de comprendre que Ravel a parfois révisé la partition car les interprètes qui en ont assuré la création n'avaient pas forcément les moyens de réaliser la version écrite correctement -à l'interprète de juger de ce qui sonne le mieux, en fonction de son goût.  Nous encourageons tous les quatuors à travailler sur cette édition, et espérons que les droits régissant le manuscrit en permettent bientôt la libre consultation. 

Cet album propose également une œuvre contemporaine de Benjamin  Attahir, Al Asr. Comment avez-vous rencontré ce compositeur ? Qu’est-ce qui vous a séduit dans son écriture ?

Il y a beaucoup de liens entre Benjamin Attahir, le Quatuor Arod, et Ravel et Debussy. Al Asr a été créé en 2017 par le Quatuor Arod et c'est la pièce que nous avons le plus souvent joué en concert -plus de 70 représentations en 6 ans ! L'univers sonore de Benjamin est très imagé, suggestif et poétique, lui conférant ainsi de grandes similitudes avec les chefs-d'œuvre de Ravel et Debussy. Il reproduit dans sa pièce la "chaleur écrasante du désert", un oud, et compose une immense fugue finale. C'est cette fascination pour les compositeurs du passé qui l'ont aussi poussé à travailler sur la révision du Quatuor de Ravel avec la RAVEL EDITION, tout était donc fait pour que nous intégrions sa pièce à notre album français.