Mots-clé : John Brancy

Picture a Day Like This de George Benjamin à l'Opéra Comique

par


L’œuvre, qui s’étend sur un peu plus d’une heure, est traversée par une atmosphère perpétuellement mystérieuse et inquiétante. Au commencement, un silence. Ce silence dense et troublant précède le début de l’histoire, instaurant une attente qui saisit l’auditoire. La scène, faiblement éclairée, dévoile un enclos aux parois de miroirs, renvoyant à chaque personnage le reflet de sa propre image.

La protagoniste, une mère en deuil, exprime d'abord la perte de son enfant avec un détachement apparent, presque distant, avant que la douleur ne l’envahisse. Elle lit alors dans un livre : « Trouve une personne heureuse en ce monde et prends un bouton de la manche de son vêtement. Fais-le avant la nuit et ton enfant vivra ». Commence alors son voyage initiatique, ponctué de rencontres singulières : Les Amants en extase, L’Artisan fier de ses créations, La Compositrice au sommet de sa gloire parcourant le monde, Le Collectionneur qui détient tous les chefs-d’œuvre du globe, et Zabelle habitant son jardin-paradis. Tous se disent heureux, mais finissent par révéler une angoisse profonde et un malheur qu’ils ne parviennent pas à apaiser. La Femme trouvera-t-elle alors ce qu’elle est venue chercher ?

Le livret se compose de phrases courtes, parfois hachées, évoquant le déchirement intérieur des personnages. Ces fragments de texte prennent vie dans une musique construite sur des micro-intervalles ou de larges sauts d’intervalles, signature caractéristique de l’écriture de George Benjamin. D’une atmosphère calme rendue par les micro-intervalles surgissent parfois des éruptions de sentiments intenses, soulignées par ces écarts soudains. Benjamin affine également la caractérisation de chaque scène et personnage grâce à des choix instrumentaux subtils : pour la scène des Amants, par exemple, il recourt à un instrumentarium particulier comprenant des flûtes ténor et basse ainsi qu’une clarinette contrebasse.

Au-delà des apparences, et si émouvant : « Picture A Day Like This » de George Benjamin et Martin Crimp

par


Au Festival d’Aix-en-Provence, dans l’écrin bienvenu du Théâtre du Jeu de Paume, les spectateurs ont été invités à passer au-delà des apparences d’une réalité si souvent trompeuse. Un voyage plus qu’émouvant grâce à la conjugaison réussie d’un texte et d’une partition, de leur mise en scène et de leur interprétation.

L’auteur et le compositeur : Martin Crimp et George Benjamin. C’est la quatrième fois qu’ils collaborent dans l’écriture d’un opéra. Une collaboration qui nous a valu il y a quelques années le magnifique Written On Skin. Ces deux-là, qui sont amis, ont donc l’habitude de travailler ensemble. Quelle belle complicité. Ce qu’ils nous proposent, ce n’est pas la juxtaposition, mais bien la conjugaison d’un texte et d’une partition. Superbe tissage de mots et de notes. La musique éclaire les mots, les mots s’accomplissent dans la musique. 

Une musique qui jamais n’est pléonasme ni simple illustration-amplification de ce qui se dit. Non, elle est, dans ses nuances subtiles -quelle orchestration- langage significatif. L’entendre, l’écouter, c’est en savoir davantage, c’est vivre et comprendre mieux ce qui est en jeu. Quelle délicatesse, quelle retenue, quels élans, quels éclats aussi. Qui d’autre que George Benjamin pouvait la mieux exprimer en dirigeant lui-même un Mahler Chamber Orchestra à l’unisson de ses intentions.