Mots-clé : Nikola Meeuwsen

Ils étaient 10 000 à prendre les Chemins de traverse du 22eme Lille piano (s) Festival à Lille

par

Vendredi soir un air chaud emmitoufle la capitale des Flandres et la salle de théâtre du Casino Barrière n’y échappe pas totalement malgré la climatisation maison ; voilà sans doute pourquoi les musiciens de l’orchestre National de Lille se présentent, une fois n’est pas coutume, en bras de chemise d’un blanc impeccable qui tranche harmonieusement avec le noir strict des nœuds papillons et celui, miroitant, des robes légères des musiciennes.

Jean Claude Casadesus, toujours fringant, est à la baguette pour ce concert d’ouverture du vingt- deuxième festival qu’il a créé de toutes pièces il y a 20 ans. Au programme l’ouverture d’Obéron de Carl Maria von Weber à l’écriture aussi ciselée qu’explosive suivi du redoutable Concerto pour piano n°1 de Tchaïkovski au service duquel le virtuose Ouzbek Behzod Abduraimov emploie une technique éblouissante doublée d’une spectaculaire énergie. Belle entrée en matière pour un Week end de folie tous claviers déployés aux quatre coins de Lille avec pas moins de quarante concerts.

On en trouvera ci-après quelques échos très partiels, impressions ressenties lors d’un parcours singulier sur des chemins de traverse.

Les paysages de l’âme

Samedi, petite marche matinale au fil des rues pavées du Vieux Lille, le temps de rejoindre la place du concert et l’accueillant auditorium du conservatoire à la belle acoustique. Fanny Azzuro y interprète l’intégrale des Préludes de Rachmaninov. Une heure trente sans discontinuer à travers « les paysages de l’âme » selon une expression chère à la pianiste qui y emploie une technique irréprochable et une infinie palette de sonorités (elle a été initiée au répertoire et à la grande école russe par sa rencontre avec Boris Tétrushanski). Le public est aux anges !

A l’ombre de la Cathédrale

Le temps de prendre un sandwiche jambon-beurre avec une bière  bien fraîche il est vite l’heure de diriger nos pas vers la Cathédrale notre -dame de la Treille, pas loin de là, dont l’imposante façade en marbre bleu est surplombée d’une flamboyante rosace due au talent du peintre Ladislas Kijno. 

Un premier rendez-vous est fixé au sous-sol dans la crypte moderne du centre d’art sacré où l’accordéoniste Ukrainien Bogdan Nesterenko s’est fixé le vertigineux défi d’interpréter successivement la Chaconne en ré mineur (Bach-Busoni) et Les Tableaux d’une exposition de Moussorgski. Diplômé du conservatoire supérieur de musique de Kharkiv en accordéon et direction d’orchestre Bogdan Nesterenko a trouvé en 2006 une terre d’accueil dans notre région du Nord de la France où l’accordéon fait partie intime du patrimoine populaire. Il utilise un accordéon « Bayan » fabriqué en Russie dont l’exceptionnelle richesse de timbres et les multiples registres sont mis ici à belle épreuve ; Bach et Moussorgski comme vous ne les avez jamais entendus ! La prestation sera saluée par une Standing ovation.

Le concert des trois premiers lauréat clôture en beauté le Concours Reine Elisabeth 2025 

par

Le concert de clôture qui met officiellement un terme au Concours Reine Elisabeth et permet au public du Palais des Beaux-Arts d’entendre les trois premiers lauréats à l’issue des cinq semaines de cette exceptionnelle joute musicale a toujours quelque chose de particulier, en ce sens que l’excitation du Concours n’est pas encore entièrement retombée mais qu’il est à présent possible d’entendre les pianistes que le jury a distingués pour occuper ces places si enviées se produire dans ce qui est maintenant un concert et non plus une compétition.

Accueilli par une salle comble et en présence du couple royal, c’est Valère Burnon qui pénètre en premier sur la scène de la salle Henry Le Boeuf où ont déjà pris place l’Antwerp Symphony Orchestra et le chef Marc Albrecht. Comme on pouvait s’y attendre, le pianiste belge est accueilli par une véritable ovation de la part d’un public qui l’accueille en héros. Si le pianiste de Marche-en-Famenne avait fait forte impression dans le Concerto n°3 de Rachmaninov en finale, il choisit ici de se produire dans le plus intimiste et certainement bien plus profond Concerto n°4 de Beethoven. Ce qui frappe dès l’entrée du soliste -et il ne faut pas bien longtemps pour se rendre compte que c’est un vrai musicien qui est à l’oeuvre- c’est la qualité de sa sonorité. Tout au long de l’oeuvre, on apprécie également sa technique extrêmement propre (gammes et  trilles absolument impeccables), le naturel de son jeu, sa réelle musicalité et la délicatesse de son toucher. La cadence du premier mouvement est magistrale quoique très généreusement pédalée. Dans l’Andante con moto central, Valère Burnon se montre plus poétique que sévèrement classique, alors qu’il réussit à bien mettre en évidence l’élément ludique qui parcourt le Finale. On  pourra reprocher à ce musicien incontestablement doué une dynamique assez restreinte (et il est difficile de dire ici s’il s’agit d’un choix voulu ou d’un manque de puissance physique) et aussi de ne pas encore avoir tout à fait trouvé ce rare équilibre entre rigueur et électricité qui fait les grands beethovéniens.