Festivités Montpelliéraines sous la direction de Roderick Cox
40 ans, ça se fête ! Le Festival Radio France Occitanie Montpellier souffle une jolie bougie supplémentaire. Avec une multitude de concerts dans différents lieux, la ville bat au rythme d’une programmation variée (baroque, classique, jazz et musique du monde) durant plus de deux semaines.
De grandes formations musicales s’alternent chaque soir à l’Opéra Berlioz du Corum. L’orchestre maison de la ville, qui a une place à part dans le cœur du public, est invité pour l’avant-dernier concert du Festival. Sous la baguette de leur nouveau directeur musical, le chef d’orchestre américain Roderick Cox, l’Orchestre National de Montpellier tisse un lien entre 3 grands noms du XIXe siècle : Brahms, Schumann et Dvořák.
Inspiré du poème Hyperion de Friedrich Hölderlin, Johannes Brahms termine en 1871 son poignant Schicksalslied op. 54 pour chœur et orchestre. Au cours des 3 strophes, le compositeur convoque la force des dieux antiques et des habitants du ciel avant de se faire plus sombre, où la douleur des hommes chancelle dans un gouffre infini. Cette œuvre se termine tout de même sur une possible rédemption de la destinée humaine.Préparés par leur cheffe de chœur, Noëlle Gény, les chanteurs ont pris le parti de défendre la lumière qui émane de ce Chant du Destin. Ils s’emparent avec retenue et puissance des mots du philosophe allemand. Dès les premières mesures, les voix d’altos donnent le ton. La clarté sera le maître-mot. Le chœur brûle par sa ferveur et sa conviction. L’Orchestre, quant à lui, réussit à prendre toute sa place nécessaire, en particulier le pupitre de violoncelle qui se révèle admirablement.
Après Brahms, comment ne pas penser à Schumann ? La soirée se poursuit donc avec cette filiation évidente entre les deux compositeurs romantiques. D’abord conçue comme une fantaisie pour piano et orchestre, dédiée à sa chère Clara, Robert Schumann étoffera son œuvre de deux autres mouvements, enchaînés, pour devenir le Concerto pour piano en la mineur op. 54 créé en 1845. Le jeune pianiste français Jonathan Fournel, premier prix du prestigieux Concours Reine Elisabeth en 2021, s’attaque à ce monument du répertoire où alterne lyrisme et délicatesse. Dès le début du premier mouvement allegro affettuoso, le hautbois d’une solennité magistrale ouvre la voie à un piano tout en retenu. Le son perlé de Jonathan Fournel est d’une précision salutaire. Jamais dans le pathos, le jeune pianiste évite quelques clichés. Après un premier mouvement, nourri par une longue et sincère salve d'applaudissements (!), l’intermezzo laisse apparaître la baguette légère du chef. Toujours dans la mesure, Roderick Cox dégage une sobriété appréciée, laissant la place à une clarinette évanescente. Enfin, l’allegro vivace permet au pianiste de prendre toute sa place et de nous montrer davantage sa personnalité. Le style y est plus singulier et incisif. Visiblement très ému, Jonathan Fournel reprend ses esprits et offre en bis l’Intermezzo op. 177 n°2 de Brahms. La boucle est bouclée.
