Une somptueuse Symphonie de César Franck à Angers
C’est un concert triplement placé sous le signe de la Belgique que nous offrait l’Orchestre National des Pays de la Loire (ONPL). Flûtiste de formation diplômé du Conservatoire royal d’Anvers, Karel Deseure a ensuite suivi le cursus de la direction d’orchestre à La Haye avant une série de masterclasses avec des maîtres qui l’ont visiblement marqué, comme Bernard Haitink, Peter Ëotvös et Jorma Panula. La direction de ce jeune chef fit sensation lors sa première visite à la tête d’un ONPL visiblement conquis qui n’a pas hésité à marteler le sol bruyamment lors des derniers saluts du jeune chef à la fin de sa prestation, du jamais vu de la part des musiciens d’orchestre généralement peu enclins à féliciter publiquement ceux qui viennent les diriger.
Il faut dire que la direction de Karel Deseure est précise et d’un grand raffinement ne négligeant aucun détail, faisant chanter l’ensemble d’une manière chambriste dans l’accompagnement subtil du Concerto pour piano N° 21 en ut majeur, K. 467 qui fournissait un écrin de rêve au pianiste Julien Libeer qui fut l’élève de Daniel Blumenthal à Bruxelles puis de Maria João Pires à la Chapelle Reine Elisabeth. Soliste, concertiste et chambriste, Julien Libeer a récemment enregistré une superbe anthologie de la musique de chambre de Mozart (en solo, duo, trio, quatuor) pour le label discographique Harmonia Mundi parue au printemps 2025. À Angers ce soir là, il nous offrait sa vision toute personnelle d’un des plus beaux concertos de Mozart avec des ornementations de son cru et un jeu volubile, presque désinvolte, n’entrant jamais au fond de la matière pianistique, mais avec une joie évidente de communiquer et de dialoguer avec les musiciens. Offerte en bis, la Pavane pour une infante défunte de Ravel, aérienne et poétique et dans le tempo allant que souhaitant le compositeur, venait confirmer le talent et l’imagination sonore de Julien Libeer dont les derniers enregistrements consacrés justement à Maurice Ravel à l’occasion de son 150e anniversaire nous avaient déjà largement comblé.
Le concert débutait avec deux extraits de Soupirs d’étoiles de la compositrice Sophie Lacaze, fruit d’une commande conjointe de l’Orchestre Symphonique de la BBC et de l’ONPL qui nous en offrait la création française. Sophie Lacaze a su se forger une esthétique personnelle à travers la multitude d’écoles et de styles divers qui s’offrent aux compositeurs d’aujourd’hui. Le rituel, l’incantation, la danse et les liens avec la nature menacée sont autant de source de réflexion et de création pour la compositrice française. Gliese 581 c et Pluton nous conviait à une voyage musical très séduisant dans l’espace composé à partir des sons de la NASA qui fascinent la compositrice.
Le concert s’achevait en beauté avec le troisième musicien belge du programme, le Liégeois César Franck, auteur d’une symphonie qui allait influencer toute la jeune Ecole française derrière lui. Karel Deseure a su en exprimer toute la saveur grâce au soin donné aux textures sonores, en travaillant particulièrement avec le registre des cordes auquel il a donné une grande puissance et, surtout, un travail sur les articulations venant alléger l’orchestration souvent compacte du compositeur belge utilisant l’orchestre comme les registres de l’orgue dans sa célèbre partition. Inspirés par leur chef invité, les musiciens de l’ONPL ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour offrir une somptueuse version de la Symphonie en ré mineur avec une mention spéciale pour le beau chant du cor anglais de Jean-Philippe Marteau et les interventions spectaculaires et toujours si musicales de Nicolas Dunesme aux timbales formant la colonne vertébrale de toute la symphonie.
Angers, Centre de Congrès, 25 novembre 2025
François Hudry
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