Version historiquement informée pour La Walkyrie

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Ce samedi 14 mars a lieu la représentation historiquement informée de La Walkyrie de Richard Wagner, opéra tiré de sa tétralogie L’Anneau du Nibelung. Cet opéra, en trois actes, est donné en version concertante au Concertgebouw d’Amsterdam, quelques jours après la Première à Prague. Comme pour l’Or du Rhin, nous retrouvons Kent Nagano à la direction. L’orchestre est quant à lui composé de musiciens de deux orchestres : l’Orchestre du Festival de Dresde, ville où Wagner occupe une place importante, ainsi que le Concerto Köln, orchestre habitué des interprétations historiquement informées. Les 14 solistes sont accompagnés par près de 100 musiciens. 

Ce concert a lieu dans le cadre des célèbres matinées du samedi, série de concerts que l’on doit au média néerlandais « NTR ».

Avant de parler de la prestation elle-même et comme petit rappel, revenons d’abord sur le but recherché de cette version historiquement informée. Il faut savoir que c’est un projet colossal qui est mis en place depuis 2017 puisque que c’est la totalité du Ring qui bénéficie de recherches scientifiques afin de pouvoir interpréter les quatre opéras de cette tétralogie de manière historiquement informée. Le but de ces recherches scientifiques, menées sous la direction du Dr. Kai Hinrich Müller, est de proposer une nouvelle manière d’aborder cette œuvre afin d’essayer de se rapprocher au maximum de l’interprétation dans le contexte de l’époque et sur base des découvertes actuelles sur Wagner. Ainsi plusieurs points sont abordés : les instruments, la manière de chanter, la manière d’interpréter le texte, la prononciation de l’allemand.

Le résultat des recherches, effectuées par les Universités de Halle et Bayreuth ainsi que la Haute École de Musique et de Danse de Cologne, est publié sous le titre « The Wagner Cycles ».

Venons-en maintenant à la prestation musicale. L’orchestre, très impliqué, fait preuve de vivacité et de précision. Les contrastes sont saisissants et parfaitement amenés. Il y a cependant un tout petit bémol au niveau des vents. La justesse n’est pas tout-à-fait parfaite, notamment dans les deux premiers actes où des petits couacs se donnent à entendre. En revanche, les passages symphoniques sont puissants et grandioses. L’orchestre sait tout aussi bien se mettre au service des chanteurs afin de les accompagner au mieux. Les tempi sont judicieusement choisis, donnant une fluidité certaine à l’œuvre dont l’interprétation tourne autour de 3h35. Le statisme que l’on peut retrouver dans certaines versions est ici évité.

Le casting des solistes est de grande qualité avec un plateau égal, ce qui participe inéluctablement à la réussite de cette représentation. Dans le premier acte nous retrouvons trois rôles : Siegmund (Ric Furman), Siegliende (Sarah Wegener) et Hunding (Patrick Zielke). La complicité entre Ric Furman et Sarah Wegener nous offre de très beaux moments musicaux, comme le duo final de ce premier acte. Le timbre des deux voix se mélange très bien. Mais le plus impressionnant est à venir avec Patrick Zielke dans le rôle de Hunding. Sa voix posée mais puissante met tout le monde d’accord. Sa présence vocale et scénique est absolument impressionnante.

Dans le deuxième acte et en plus des rôles précédemment cités, trois personnages font leur arrivée : Brünnhilde (Christiane Libor), Wotan (Derek Welton) et Fricka (Claude Eichenberger). La Brünnhilde de Christiane Libor est enjouée au début, avant de devenir plus sombre et éprouvée au fil des évènements. Le Wotan de Derek Welton est puissant est incarne à merveille le rôle de dieu suprême devant composer avec ses erreurs passées et contradictoires. Pour finir, Claude Eichenberger dans le rôle de Fricka est intraitable. Elle rappelle à l’ordre son mari Wotan avec conviction. L’apogée de cet acte a lieu avec la mort de Siegmund.

Dans le dernier acte, les walkyries participent elles aussi à la réussite de cette représentation avec des interprétations de qualité. Nous retrouvons, dans ces rôles huit chanteuses, Natalie Karl, Chelsea Zurflüh, Ida Aldrian, Marie-Luise Dreßen, Eva Vogel, Karola Sophia Schmid, Ulrike Malotta et Jasmin Etminan. Ce dernier acte est d’une intensité considérable se clôturant avec un dernier et bouleversant duo entre Wotan et sa fille Brünnhilde.

Le public, complètement conquis par la prestation où la musique se suffit à elle-même, acclame les artistes après le premier acte. Après le deuxième acte le public applaudit à tout rompre et se lève en grande partie. À la fin de la représentation, la standing ovation est unanime et immédiate afin de gratifier les artistes de ce concert. Kent Nagano réussit une nouvelle fois un véritable tour de force en compagnie des musiciens du Concerto Köln, de l’Orchestre du Festival de Dresde et des 14 solistes.

Pour la suite de ce Ring historiquement informé, rendez-vous en 2025 pour Siegfried.

Amsterdam, Concertgebouw, le 14 mars 2024

Thimothée Grandjean, Reporter de l’Imep

Crédits photographiques : Simon Van Boxtel

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