Vivaldi : réédition de Stagioni défendues en format chambriste et avec violoncello da spalla
The Four Seasons. Antonio Vivaldi (1678-1741) : Concertos pour violon Op. 8 no 1-4 en mi majeur « La Primavera » RV 269, en sol mineur « L’Estate » RV 315, en fa majeur « L’Autumno » RV 293, en fa mineur « L’Inverno » RV 297. Concerto pour violoncelle en ré majeur RV 403. Sonate en ré mineur Op. 1 no 12 « La Follia ». La Petite Bande. Sigiswald Kuijken, Dmitry Badiarov, violon, violoncello da spalla. Sara Kuijken, Luis Otavio Santos, violon. Marleen Thiers, alto. Frank Asterribe, clavecin. Livret en anglais, français, allemand. Novembre 2006. 59’13’’. Accent ACC 24413
L’innombrable discographie des « Quatre Saisons » contient les témoignages de quelques phalanges symphoniques, sous la baguette de Leonard Bernstein, Seiji Ozawa ou Herbert von Karajan. Même si l’on se doute que ces versions ne sont pas l’archétype que Vivaldi avait imaginé, on peut se demander quel effectif il aurait favorisé pour ses célébrissimes concertos inclus dans son opus 8. Parue à Amsterdam chez Le Cène en 1725, la toute première édition se présentait en partitions séparées pour chaque voix instrumentale. « L'ensemble prévu est donc réduit, limité au nombre de musiciens qui peuvent s'asseoir ou se tenir debout autour des parties non solistes telles qu'elles sont données : il ne s'agit pas d'un orchestre de taille moyenne au sens de la fin du XVIIIe siècle, ni nécessairement d'un seul exécutant par partie, bien que cela puisse fonctionner correctement » observait Paul Everett dans son ouvrage The Four Seasons and other concertos Op. 8 (Cambridge Music Books, page 13, 1996).
À l’occasion du trois-centième anniversaire de l’édition amstellodamoise, le label Accent remet sur le marché cet enregistrement capté en 2006, initialement diffusé en SACD. Fort d’un argumentaire étayé dans la notice, Sigiswald Kuijken y optait pour un format radical : une distribution chambriste où aucun pupitre n’est doublé, pas même dans le registre grave. Trois violons, alto, violoncelle, clavecin ! Peu avant, en mai 2004 pour Decca, sur support SACD également, Janine Jansen s’entourait aussi d’un tel quatuor d’archets, moyennant l’appoint d’une contrebasse et d’un continuo étoffé, avec théorbe et orgue. Plus récemment, sous une telle parure allégée, et toujours en SACD, on mentionnera aussi la réussite de Rachel Podger et ses Brecon Baroque (Channel Classics, octobre 2017). Transparence, légèreté, précision seront encore l’enjeu de cette lecture d’Outre-Manche.
Ici, au Studio Galaxy de Mol, une saison chacun : les quatre violonistes de l’équipe échoient tour à tour du rôle soliste, l’imprégnant de la personnalité de chaque interprète : Luis Otavio Santos, dans L’Été, apparaissant le plus ornementé… Quand Dmitry Badiarov, dans L’Automne, charme par son phrasé vif et souple. Malgré les efforts d’invention, malgré quelques effets de spatialisation bienvenus (les pizzicati du Largo de L’Hiver), malgré les diaprures de Frank Asterribe, avouons toutefois que le continuo dévolu au seul clavecin s’avère un peu spartiate.
Mais Sigiswald Kuijken défend dans ces Stagioni une autre singularité, et à notre connaissance il fut le premier : le recours au « violoncelle d’épaule », attesté dans la Venise de l’époque (ou un peu antérieure), tant dans l’iconographie que les nomenclatures d’exécution. En se fondant sur des modèles conservés à Bruxelles et Leipzig, Dmitry Badiarov ressuscita ce « violoncello da spalla » dont deux spécimens, reconstitués en 2004 et 2005, sont ici alternativement entendus. L’instrument tient aussi la vedette dans le concerto en ré majeur RV 403 qui ouvre le CD. Lequel se referme par la fougueuse Sonate autour du thème des « Folies d’Espagne », déroulées au violon par Sigiswald Kuijken : un complément de programme inattendu pour cet album qui, au prix d’un didactisme que l’on pourra relativiser, n’a rien perdu de ses audaces expérimentales.
Christophe Steyne
Son : 8,5 – Livret : 9 – Répertoire : 9-10 – Interprétation : 8,5