A la découverte d'un autre Granados

par
Granados

Enrique GRANADOS
(1867 - 1916)
Oeuvres pour orchestre
Volume 1
Marcha de los vencidos - Torrijos, musique de scène - Suite sobre cantos gallegos

Cor Madrigal, dir.: Mireia Barrera
2016-54' 47''-Notice en anglais et en espagnol-Naxos 8.573263

Volume 2
Goyescas, intermezzo - Danza de los ojos verdes - Danza gitana - La nit del mort - Dante, poème symphonique

G. Coma-Alabert (mezzo-soprano), Jesus Alvarez Carrion (ténor), Lieder Camera, dir.: Xavier Pastrana
2016-56' 57''-Notice en anglais et en espagnol-Naxos 8.573264

Volume 3
Liliana, poème lyrique - Suite orientale (Suite arabe) - Elisenda, pour piano et orchestre

Dani Espasa (piano)
Orquestra Simfonica de Barcelona i Nacional de Catalunya, dir.: Pablo GONZALES
2016-50' 11''-Notice en anglais et en espagnol-Naxos 8.573265

Granados est d'actualité : on commémore en effet son décès tragique, lorsqu'il se précipita au secours de son épouse qui se noyait lors du torpillage du "Sussex" dans la Manche, ce 24 mars 1916... Il a toujours été associé à son oeuvre pour piano, pan essentiel de la musique espagnole, illustré par son cycle Goyescas. On sait aussi qu'il en tira un opéra, créé au Met. Récemment, on a commencé à découvrir sa musique de chambre, dont un trio et un très beau quintette avec piano. Et voici qu'en trois CD, Naxos nous révèle ses pages pour orchestre : il s'agit là de nouveautés totales, comportant par ailleurs plusieurs premières mondiales.
Après une Marche des vaincus de bonne facture, le premier CD présente deux pages conséquentes. La musique de scène consacrée au général rebelle Torrijos date de 1894 et témoigne d'un joli sens théâtral mais aussi mélodique, culminant par une marche (plage 4) sombre et grandiose, que n'aurait pas reniée Massenet. Plus tardive, la Suite sur des chants de Galice cite de nombreux thèmes folkloriques, et, dès le thème initial du hautbois, nous emmène dans un monde champêtre : on se croirait dans Mireille ou dans L'Arlésienne !
Le deuxième CD s'ouvre par une pièce plus connue, l'intermezzo de l'opéra Goyescas, dans le droit fil de la tradition vériste. Après deux espagnolades plus convenues, le programme se poursuit par un magnifique poème symphonique de 1897, La nit del mort, avec mezzo et choeur. On pense à Delius, au Roussel du début des Evocations : tout cela a beaucoup d'allure, et mène vers un final plus franckiste et un rien grandiloquent. Autre poème symphonique, mais bien plus long (33'), Dante (1908) prouve une fois encore la fascination de La Divine comédie sur les compositeurs, de Liszt à Titschenko, en passant par Tchaikovski, Zandonai ou Rachmaninov. Les deux parties, "Dante et Virgile" puis "Francesca da Rimini" se souviennent de Wagner, certes, mais surtout de Franck et, plus curieux, de Fauré. Voilà de la musique tour à tour évanescente et vigoureuse, d'une écoute très agréable.
Le troisième et dernier CD est plus inégal. Le manuscrit de Liliana a été perdu, et l'arrangement présenté ici fut réalisé par Pablo Casals en 1921. Le sujet, féerique, mêle sylphes, gnomes et sorcières, et la musique, comme le souligne Justo Romero, intéressant auteur des trois notices, rappelle un peu Le lac enchanté de Liadov, entre autres par sa poésie athématique ; le deuxième mouvement, en forme de long crescendo, est particulièrement envoûtant. La Suite orientale, ou Suite arabe, antérieure (1889), d'un abord bien plus facile, rejoint les aspects "pittoresques" des scènes orchestrales de Massenet. S'y ajoute bien sûr le coloris oriental, factice sans doute, mais de bon aloi, et charmeur quand il faut (la description initiale du désert, puis la Serenata, vraie pièce de genre). La marche et les danses finales sont plus superficielles. Cette anthologie se termine par Elisenda, suite pour piano et petit orchestre (1913), dont le final, perdu, faisait intervenir un soprano. Le piano n'est qu'accompagnateur lointain d'une oeuvre sans grand caractère.
Ces trois CD sont bien défendus par Pablo Gonzalez à la tête d'un orchestre symphonique de Barcelone tout à fait à son affaire. Voilà qui éclaire la production d'Enrique Granados d'un jour nouveau, qui ravira les amateurs d'une musique orchestrale ibérique trop peu abondante, et qui, espérons-le, nourrira le répertoire des concerts.
Bruno Peeters

Son 9 - Livret 10 - Répertoire 8 - Interprétation 9

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