Les Concertos du Concours : le 1er Tchaikovski - Guide d'écoute

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Après la présentation des quatre concertos de Mozart joués en demi-finales, nous en venons aux concertos qui seront joués durant la finale, la semaine du 23 au 29 mai. Exceptionnellement, nous n'entendrons qu'une seule fois le 1er Concerto pour piano de Tchaikovski dans l'interprétation de Dmitri Shishkin vendredi soir (le 27). Au départ, il  était proposé par 18 candidats, dont  5 demi-finalistes.
Rappelons que des problèmes -bien sûr légitimes- de droits nous empêchent de proposer l’écoute entière des enregistrements de ces concertos. Nous en avons donc extrait les éléments qui illustrent le propos. Mais en cliquant sur l’intitulé de chaque mouvement, vous serez dirigés sur YouTube pour l'écoute du mouvement entier. Nous vous suggérons évidemment d'écouter les mêmes interprètes que ceux qui illustrent les propos sur notre site.
La rubrique a été testée par des personnes de différents niveaux de connaissances musicales pour s’assurer qu’elle est « accessible » pour le plus grand nombre.
Petit mode d’emploi
Nous vous conseillons de commencer par lire l’article, écouter les extraits et lire éventuellement les extraits de partitions, mais ce n’est pas indispensable.
Ensuite, vous posez un enregistrement du concerto sur votre lecteur (ou vous cliquez sur l’intitulé du mouvement qui vous conduira sur YouTube) vous suivez l’écoute en re-lisant l’article. Pour que vous puissiez vous appuyer sur les repères courants, nous vous donnons les indications de minutage (écoute) et les n° des mesures (partitions), ainsi qu’une ligne du temps.
Vous n’y arrivez pas tout de suite ? Pas de souci, vous n’êtes pas une exception ! Vous reprenez l’exercice une fois, deux fois,… et vous appréhenderez toujours mieux ce que les jeunes pianistes vont vous proposer la semaine prochaine.
Bonne écoute !

Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893) : Concerto pour piano n°1 en si bémol mineur (1875)

Version proposée : Leningrad Academic Philharmonic Symphony Orchestra, dir.: Evgeni Mravinsky. Piano : Svyatoslav Richter. Melodyia Mel CD 10 00993. Un enregistrement de 1959. Durée : +/- 34'.

Histoire et création
En novembre 1874, Tchaïkovski commençait la rédaction de son premier concerto pour piano. Agé de trente-quatre ans, le compositeur n'entendait pas se servir de l’œuvre pour briller en tant que soliste ; au contraire, il comptait sur son ami et mentor, le pianiste Nikolaï Rubinstein, pour en assurer le succès. A la fin du mois de décembre de cette même année, Tchaïkovski lui joua donc le premier mouvement dans une version à deux pianos. A la fin de l'audition, Rubinstein se mit à accabler le compositeur d'une avalanche de reproches sur l’œuvre qu'il venait d'entendre, concluant que la seule chose à faire était de remanier entièrement les seuls passages qui pouvaient être sauvés. Blessé par un jugement si péremptoire, Tchaïkovski répliqua qu'il ferait imprimer le concerto tel quel. Il se tourna alors vers Hans von Bülow. Le célèbre pianiste s'apprêtait justement à partir en tournée aux États-Unis ; aussi la création n'eut-elle pas lieu à Moscou, mais à Boston, sous la direction de Benjamin Johnson Lang, le 25 octobre 1875. Malgré la tiédeur des critiques, le public fut enthousiaste. Après un accueil triomphal à New York et Saint-Pétersbourg, le concerto connut sa création moscovite sous la direction de... Nikolaï Rubinstein lui-même, qui entre-temps avait changé d'opinion : ce concert devait symboliser sa réconciliation définitive avec Tchaïkovski.

Au cours des années qui suivirent, le concerto ne cessa pas d'être joué en Russie comme aux États-Unis, établissant la renommée du compositeur. La première version fut remaniée par deux fois, en 1879 puis en 1888 : les changements concernaient notamment la partie de piano afin de l'adapter à une technique moderne. De nos jours, c'est presque toujours la version définitive de 1888 qui est interprétée. Fort de ce premier succès dans le domaine du concerto, Tchaïkovski écrivit par la suite son concerto pour violon, lui aussi devenu un incontournable du répertoire. En revanche, son second concerto pour piano, ainsi que son troisième (laissé inachevé) sont aujourd'hui peu connus du public ; au point que l'on désigne parfois le premier comme le concerto pour piano de Tchaïkovski, ignorant les deux autres.

Orchestration
L'orchestration de l’œuvre, typique de son époque, innove assez peu. Riche en tutti massifs, laissant la part belle aux cuivres, elle se situe au faîte d'une tradition romantique tournée vers les extrêmes ; et cependant on y trouve une certaine concision –une efficacité, pourrait-on dire– probablement héritée de Glinka. Ce style orchestral, souvent critiqué pour sa prétendue lourdeur, gagnera néanmoins l'admiration de nombreux compositeurs postérieurs, parmi lesquels Stravinski ou encore Chostakovitch qui disait : « écouter l'une des œuvres de Tchaïkovski, c'est prendre une leçon d'orchestration ».

Effectif orchestral : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 4 cors en fa, 2 trompettes en fa, 3 trombones, timbales et cordes. Durée : +/- 33'

Pour intégrer le soliste à une texture orchestrale si riche, Tchaïkovski emploie dans ce concerto une technique pianistique que l'on peut rétrospectivement définir comme typiquement russe. Dans le souci de dominer un orchestre imposant, des thèmes souvent doublés à l'octave, parfois au deux mains, des arpèges couvrant toute l'étendue du clavier, des accord plaqués de huit notes ou plus, une pédalisation généreuse se démarquent des standards pianistiques de l'époque, ouvrant la voie à un Prokofiev (dont le premier concerto présente d'ailleurs des similitudes avec celui de Tchaïkovski). Aujourd'hui encore, relativement peu de solistes se hasardent à interpréter ce concerto en concert, pas seulement à cause de sa difficulté, mais surtout parce qu' il est physiquement épuisant ! Il est en revanche souvent joué lors des concours internationaux.

Guide d'écoute
Le concerto compte trois mouvement : Allegro non troppo et molto maestoso, Andantino simplice et Allegro con fuoco.

I – ALLEGRO NON TROPPO ET MOLTO MAESTOSO (sur YouTube)

TABLEAU-I
Alors que tout le monde pense le connaître dans tous ses détails, le Concerto pour piano n°1 de Tchaikovsky n'est pas sans étonner par un premier mouvement de forme inhabituelle. En effet, il commence par une longue introduction de 109 mesures, elle-même construite en forme sonate monothématique. Nous ne développerons pas cette caractéristique ici pour ne pas alourdir ce guide d'écoute.
Après cette longue introduction s'ouvre l'Allegro con spirito qui se développera selon une structure plus traditionnelle avec Exposition-Développement-Réexposition.
S'il innove peu par sa structure, le mouvement témoigne d'une utilisation originale de la tonalité.

Introduction. L'introduction commence par un appel solennel des quatre cors à l'unisson, ponctué des accords péremptoires du reste de l'orchestre. Après avoir à peine évoqué le ton principal du concerto, si bémol mineur, Tchaïkovski module rapidement (Mes. 7) vers le ton relatif de Ré bémol majeur pour arriver à un thème majestueux, dont la solide construction en huit mesures (4 fois 2) est soulignée par les accords de l'harmonie.
Entrée du Thème de l'Introduction après l'appel des 4 cors :
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Ce thème est exposé trois fois dans la même tonalité (2x aux cordes et 1x au piano), avec une harmonisation et une ornementation chaque fois différente. Les brillants accords du pianos confèrent à ce passage une grande solennité qui exige de l'interprète une sonorité puissante.

(Mes. 40, env. 1'20''). La cadence du piano qui suit, aux allures lisztienne dans la nuance fortissimo, vient renforcer l'expression exubérante de ce début.
Après une transition plus chromatique sur le début du thème, on revient (Mes. 61, env. 2'18'') à la stabilité du thème de départ, exposé encore deux fois forte aux cordes sur des accords pointés fff du piano, toujours en Ré bémol Majeur. Enfin, (Mes. 77, env. 2'56'') 8 mesures de conclusion dans la nuance piano, une liquidation thématique qui conduit à deux appels de cors pp sur les pizzicati des cordes (Mes. 86, env. 3'15'') suivis d'un bref choral de cuivres auquel répond le piano puis d'un second légèrement allongé, "morendo"
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marquant un épuisement de l'énergie intense de l'introduction, et servant de transition vers le premier thème de l'Allegro con spirito, partie principale du mouvement basée sur 3 thèmes.
Lors de la création à Boston, l'orchestre manquait de préparation, et les trombones entrèrent ici au mauvais endroit. Hans von Bülow, depuis le piano, aurait alors chanté distinctement leur partie sur les paroles « les cuivres peuvent aller au diable ». On imagine difficilement une telle situation se produire de nos jours...
Point d'orgue. Changement de mesure : on passe du 3/4 de l'Introduction au 4/4 de l'Allegro.

Allegro con spirito (Mes. 111, env. 4'16'')
Après pas moins de 109 mesures d'introduction en Ré bémol majeur, le premier thème vient enfin affirmer le ton de si bémol mineur.
Noté Allegro con spirito, dans une métrique à quatre temps, il est inspiré d'une mélodie populaire ukrainienne que Tchaïkovski aurait entendue sur un marché près de Kiev. Le caractère pittoresque de son rythme en triolets est renforcé par les quintes à vide des cordes et les ponctuations de l'harmonie.
Thème 1 (Mes. 112, env. 4'24'')
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Après de nombreuses variations de ce thème au profil rythmique si caractéristique, des échanges entre le soliste et les bois, des jeux d'octaves du piano,
(Mes. 177, env. 5'46'') un sourd martèlement aux deux mains alternées  sert de pont vers le 2e Thème.
Thème 2 (Mes. 184, env. 5'49'')
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Le 2e Thème, déjà annoncé aux bois quelques mesures plus tôt, introduit une mélodie sensuelle, syncopée, exposée à la clarinette et reprise au piano et qui marque pour la première fois un apaisement dans la véhémence de ce premier mouvement.

Sans transition, on passe au 3e Thème (Mes. 204, env. 6'45''), une mélodie d'une expression sereine, énoncée par les cordes "con sordini" et "a tempo tranquillo" sur des accords des bassons et des cors, auquel répond le motif syncopé de la mélodie du 2e Thème
Thème 3
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La tonalité de La bémol majeur (dominante du ton de l'Introduction) est assez inattendue pour ce 3e Thème : le choix de Ré bémol (le relatif Majeur de si bémol mineur, tonalité principale) eût été plus conventionnel, mais il avait déjà été exploité dans l'Introduction.
(Mes. 218, env. 7'18'') Comme si Tchaikovski n'arrivait pas à se détacher de son 2e Thème qui répondait déjà à l'orchestre dans l'énoncé du 3e Thème,  ce 2e Thème va être longuement exploité, repris à la flûte et doublé par le piano qui l'orne de ses arpèges, de ses octaves, et porté à un climax d'expression avant de conclure par des larges arpèges sur un point d'orgue dans un La bémol Majeur apaisé.
(Mes. 263, env. 8'50'') Dans ce climat d'apaisement, le 3e Thème peut revenir, "con sordino" et p.

Développement
Mes. 289, env. 9'34'') Le développement qui suit, Poco più sostenuto, introduit "senza sordino" cette fois le 3e Thème dont la facture va s'enrichir de plus en plus et le caractère se dramatiser parallèlement à l'amplification orchestrale.
Au départ, les bois énonceront un court rappel du 1er Thème,

mais pas pour longtemps. La musique va se fixer sur la « tête » du 3e Thème : quatre noires qui constituent un fragment de gamme ascendante. Ce dernier élément est repris par tout l'orchestre en augmentation puis, en miroir, se transforme progressivement en un motif descendant de quatre croches. Le soliste, qui pendant toute cette première section du développement connaissait son premier moment de repos depuis le début du concerto, rentre de nouveau sur le motif obsédant des quatre croches descendantes (mes. 343, env. 10'41'').
Mes. 354, env. 10'54''. Suit une sorte de fausse cadence thématiquement proche du 2e Thème (le rythme de la main droite du piano est le même que celui du 2e Thème) et basée sur une superposition de rythmes.

Cette cadence contient également des éléments thématiques proches du 3e Thème qui seront repris ensuite par le piano en dialogue avec les cordes (NB. changement de mesure en 6/4), sur une pédale de dominante en Mi Majeur.
Cette subtile synthèse de deux thèmes va aller crescendo avec toujours plus de tension et c'est le 3e Thème qui en sortira triomphant sur une diction impérative des trombones suivis des cors en ff (Mes. 408, 12'39'')

Les Thèmes 1 et 3 vont être développés ensemble, et puis le Thème 3 disparaîtra en se morcelant, tandis que revient et se généralise le rythme du Thème 1 sans pour autant retrouver tout de suite sa mélodie (Mes. 415, 12'51'') comme il l'avait déjà fait dans l'exposition. Ce rythme entraînant va nous mener au point culminant du mouvement, où les accords fortissimo du piano constituent rien moins qu'un rappel de l'introduction.
Mes. 435, 13'11''. De nouveaux traits de piano nous conduisent à la 

Réexposition
Mes. 448, 13'32''. L
a réexposition voit le retour du premier thème sur un rythme plus rapide qu'auparavant -les triolets deviennent des doubles-croches- et le Thème 1 surgit au milieu d'un long martèlement des deux mains (il n'est pas toujours évident à entendre).


Mes. 463, 13'53''. Amorce du Thème 2 aux bois et son énoncé six mesures plus loin.

Il subit quelques variations, notamment l'accompagnement en syncopes par les cordes.
Mes. 487, . Le piano le reprend, l'enrubanne de ses arpèges et l'allonge, parfois accompagné des clarinettes, il part crescendo en montée chromatique.
On est passé dans la tonalité de Si bémol majeur et cette nouvelle tonalité apparaît comme une consolation après les accents sombres de ce qui précède. Tout au long de cette réexposition, le piano se voit confier une partie très virtuose, faite d'octaves, d'accords et de larges arpèges couvrant toute l'étendue du clavier. Souvent, cette partie n'est d'ailleurs rien d'autre qu'un accompagnement d'une mélodie de l'orchestre ; un tel style d'écriture rappelle encore les concertos de Liszt ou de Saint-Saëns, alors considérés comme les modèles du genre.

A la fin de la réexposition, on arrive à la traditionnelle cadence, totalement écrite de la main de Tchaïkovski. De façon surprenante, elle est moins spectaculaire de virtuosité que le corps du mouvement. Elle débute sur un accord de Sol bémol Majeur, répété avec insistance par l'orchestre comme un appel destiné à attirer l'attention sur le soliste. Le choix de Sol bémol, bien loin de la traditionnelle sixte et quarte, est un rappel du point culminant de tension du mouvement, basé sur ce même accord.
Cette cadence du compositeur paraphrase les principaux thèmes du premier mouvement. Lorsque l'énergie du discours commence à s'épuiser, le 3e thème rentre avec douceur aux bois accompagnés par le piano puis se joignent les violons. La nuance augmente alors progressivement pour mener à une longue coda exubérante.

II. ANDANTINO SIMPLICE (sur YouTube)

TCHAIKO-TABLEAU-II
Le premier mouvement représente à lui seul près des deux tiers du concerto. Les deux suivants, loin d'avoir des proportions aussi monumentales, ne s'attardent pas dans de longs développements thématiques.

Le second mouvement est conçu selon le plan traditionnel ABA', A renfermant 2 Thèmes (1 & 2) ; B un Thème (3) ; A' reprenant le Thème 1
Andantino simplice / Allegro vivace assai / Tempo I

A. Le mouvement s'ouvre sur des pizzicati de cordes, pp, con sordino, sur lesquels vient se graver un thème placide en ré bémol majeur (p, dolcissimo) presque naïf avec sa carrure classique de huit mesures. Celui-ci est d'abord exposé à la flûte, puis au piano avec un joli contrepoint de bassons
Thème 1
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Mes. 21 à 24, env. 1'03''. "Si on pouvait deviner un fond de féerie dans le début de ce mouvement, cette féerie se fait à présent active dans cette dentelle finement tissée aux bois, avec le ronronnement sonore d'un petit moulin à musique" (A. Lischke)
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Le piano récupère la formule qui va mener au 2e Thème énoncé par les hautbois et contrepointé par les clarinettes
Thème 2 (mes. 25, env. 1'13'')
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Un deuxième thème contrastant en Ré Majeur, plus mélismatique.
Le rythme plus rapide en doubles-croches est alors repris par le piano dont les accord répétés semblent évoquer des clochettes -un effet fort prisé par Tchaïkovski (cf. Les Saisons, Novembre)- tandis que les bois ornent de l'incipit du 1er Thème les traits du piano (Mes. 33, 1'39'').
Sur un "sempre staccato" des accords au piano, deux violoncelles solo reprennent le 1er Thème en entier accompagné par les « clochettes » du piano (Mes. 42, env. 2'05'');  le thème revient ensuite aux hautbois "molto espressivo" sur des accords syncopés du piano (mes. 50, env. 2'30''), du plus bel effet pour conclure la partie A.

B. Episode central Allegro vivace assai. (Mes. 59, env. 3'01''). Contrastant mais dans le même esprit que l'épisode féerique évoqué plus haut, plus fantastique encore, une sorte de ronde de lutins.
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Il s'ouvre et se conclut par des cadences du piano, ponctuées seulement par quelques pizzicati des cordes.
Entre les deux, un thème nouveau – mais pas si éloigné du premier – apparaît aux cordes, toujours accompagnées des guirlandes de battements du piano.
Thème 3 (Mes. 81, env. 3'21'')

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Selon Modest Tchaikovski, le frère cadet du compositeur, ce thème serait celui d'une chansonnette française que lui et ses frères avaient découverte dans les années 1870 et dont les premières paroles étaient : "Il faut s'amuser, danser et rire". Ce nouveau thème restera toujours à l'orchestre, abondamment paraphrasé, avec quelques imitations entre les cordes et les bois.
Mes. 115, env. 3'57''. Retour de la cadence du piano qui ouvrait la partie B, ponctuée seulement par quelques pizzicati des cordes, au piano seul ensuite et qui se clôt par une citation, d'abord déformée, du thème initial du mouvement (Mes. 140, env. 4'24'').

A. Mes. 146, env. 4'41''. Enfin, la première partie revient écourtée, gardant seulement son Thème 1 mais orchestrée différemment, contrepointée par les cordes ou les bois, pour terminer le mouvement dans la quiétude sur les toutes premières mesures du thème avec arpeggiato.
De manière générale, le second mouvement entier reste dans une atmosphère paisible, contrastant avec la folle agitation des deux mouvements qui l'encadrent.

III. ALLEGRO CON FUOCO  (sur YouTube)

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Le troisième mouvement, calqué sur la forme classique du RONDO, est le plus court des trois.
Un brusque coup de timbale suivi de quatre mesures d'introduction préparent l'arrivée du Refrain. Celui-ci, un thème également emprunté au folklore ukrainien, ne renie pas son origine populaire : construit sur les deux seuls accords de tonique et dominante, et sur une rythmique très particulière (les accents sur les 2e temps), il semble tourner sur lui même avec une énergie des plus entraînantes.
Toujours exposé d'abord au piano, puis à l'orchestre, dans des tonalités majeures puis mineures, ce refrain alterne avec des couplets contrastants, tous construits sur le même thème. La forme pourrait donc être résumée ainsi : A B A B' A B'' Coda
Thème A ou Refrain
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Mes. 37, env. 0'44''. Ce thème de refrain, transformé -mais gardant sa spécificité rythmique- est repris par le Tutti dans la tonalité de Sol bémol Majeur.
Tutti
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Poco meno mosso (Mes. 45, env. 0'53'') : 13 mesures de transition virtuose au piano

 

nous conduisent au 2e Thème.
Thème B (Mes. 56, env. 1'06'')TCHAIKO_III_56

De caractère plus lyrique, en Ré bémol Majeur, il n'est pas sans rappeler le thème d'introduction du premier mouvement. On voit que le concerto entier est unifié par des liens thématiques forts, malgré les contrastes immenses qui le caractérisent.
L'apparition du rythme syncopé aux cors, bien que fugitive, peut aussi être considérée comme un rappel du premier mouvement.

Mes. 89, env. 1'54''. Retour du Refrain (A) au piano.
Mes. 101, env. 2'09''. Sostenuto molto : transition où passent des bribes du Thème A 

nous ramène au 1er Tutti en La bémol Majeur (Mes. 114, env. 2'31'') suivi de la transition virtuose (Mes. 122, env. 2'41'') qui amène le Thème B, cette fois dans la tonalité de Mi bémol Majeur (Mes. 133, env. 2'55'').

Retour à une petite transition virtuose (Mes. 151, env. 3'19'') pour ramener le Thème A au piano (Mes. 159, env. 3'28'') accompagné des vents.
Mes.183, env. 3'57''). Long passage virtuose du piano en doubles croches aux deux mains au cours duquel surgissent ça et là à l'orchestre, comme autant de rappels, des bribes rythmiques des deux Thèmes. Bien que décentré par rapport aux proportions générales du Finale, cet épisode pourrait être assimilable à un développement.

Mes. 214, env. 4'26''. Tempo I ma tranquillo. Le piano se tait. L'orchestre poursuit par un jeu sur des petites variations des premières mesures du Thème A, entrecoupé des figures rythmiques pointées déjà entendues au début de la première transition modulante (Molto sostenuto - mes. 101).

Mes. 222, env. 4'41''. On s'approche de la fin. Poco a poco crescendo : c'est l'incipit du Thème B qui est ici pris en charge entrecoupé des figures rythmiques pointées.
Le tension monte sur 21 mesures ; on est arrivé au fff. Poco piu mosso.
Mes. 243, env. 5'18''. Avalanche d'octaves parallèles ff  du soliste en doubles croches et puis en triolets -mortellato e ritenuto molto- avant l'apothéose finale molto meno mosso - fff  sur le Thème B (Mes. 252, env. 5'35'').
Cette idée de bâtir l'apothéose finale sur le 2e Thème est un des procédés utilisés dans les grands concertos post-romantiques (on le retrouvera également dans le 2e Concerto de Rachmaninov). Ce sont l'orchestre entier et le soliste qui rivalisent ici.

CODA. Mes. 271, env. 6'14''. Allegro vivo. Quelques taquineries virtuoses du piano ramènent brièvement le début du Thème A, le piano poursuit sa course vers l'arrivée et conclut par des octaves alternées aux deux mains sur l'étendue de 4 octaves. Point d'orgue.
Plus encore que les précédents mouvements, le troisième est pour le soliste une véritable épreuve de force, puisqu'il enchaîne presque sans répit les passages virtuoses.

Quelques références discographiques
Le premier concerto de Tchaïkovski, pilier du répertoire, fait depuis longtemps les beaux jours des pianistes russes ou soviétiques :
- Sviatoslav Richter l'a enregistré plusieurs fois, notamment sous la direction de Herbert von Karajan et d'Evgeni Mravinsky à la tête du Leningrad Academic Philharmonic Symphony Orchestra (version reprise ici dans nos exemples).
- Emil Gilels a, quant à lui, enregistré le concerto pas moins d'une douzaine de fois, notamment avec Fritz Reiner et le Chicago Symphony Orchestra.
- La célèbre version du jeune Evgeny Kissin, sous la baguette de Karajan, n'a aujourd'hui rien perdu de sa fraîcheur ;
- Citons enfin la remarquable performance de Mikhaïl Faerman au Concours Reine Elisabeth de 1975, avec laquelle il obtint le Premier Prix.
- Claudio Arrau, avec le Boston Symphony Orchestra sous la direction de Sir Colin Davis, déploie dans ce concerto un palette de sonorités très originale.
- Gyorgy Cziffra en a gravé en 1957 une version d'une ébouriffante virtuosité (l'une des plus rapides du marché !), en compagnie de Carlo Maria Giulini et de l'Orchestre National de France.
- Enfin plus proche de nous, Martha Argerich a enregistré plusieurs fois le concerto, notamment avec Kirill Kondrachine et l'Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise.

Écoutes complémentaires
P.I. Tchaïkovski, Concerto pour piano n°2
P.I. Tchaïkovski, Les Saisons (Richter en a enregistré une merveilleuse version)
P.I. Tchaïkovski, Symphonie n°1 (contemporaine du premier concerto pour piano)
C. Saint-Saëns, Concerto pour piano n°5
S. Prokofiev, Concerto pour piano n°1

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