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Les lauréats 2025 des ICMA

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Le jury des International Classical Music Awards (ICMA) a annoncé aujourd'hui les lauréats de l'édition 2025. Le président du jury, Rémy Franck, a déclaré : « Nos prix ont été décernés à partir d'une liste de nominations comprenant 374 albums et un large éventail d'artistes et de labels. La liste des lauréats comprend de nombreux musiciens renommés ainsi que de jeunes musiciens et pas moins de 17 labels internationaux !”

Dans la liste des prix, vous retrouverez le ICMA Classeek Award, organisé en collaboration avec la plateforme numérique Classeek, et poursuivons notre coopération de longue date avec l'International Music Academy Liechtenstein, de sorte qu'avec le Young Artist Award, nous pouvons promouvoir trois jeunes talents très prometteurs. 

Nos prix sont des reconnaissances de l'excellence dans la performance musicale. Ils peuvent apporter - et ont déjà apporté, comme le reconnaissent nombre de nos lauréats précédents - de nombreux avantages aux lauréats, aux artistes et aux labels, en améliorant leur réputation et en renforçant leur motivation personnelle. 

Nous avons l'assurance que tous nos lauréats profiteront pleinement de nos prix, dans un environnement musical où les revenus des services de streaming, par exemple, sont loin d'être réellement gratifiants.»

Le violoniste Gidon Kremer reçoit le prix pour l'ensemble de sa carrière. Le chef d'orchestre Leonardo García Alarcón est l'artiste de l'année. Le violoncelliste Benjamin Kruithof est le jeune artiste de l'année et le pianiste Can Saraç est le lauréat du prix de la découverte. Christoph Ehrenfellner remporte le prix du compositeur. BR Klassik est le label de l'année. Le prix ICMA-Classeek est décerné au violoncelliste Ettore Pagano. 

Des prix spéciaux sont décernés au chef d'orchestre Ádám Fischer, au pianiste Oliver Triendl et aux Düsseldorfer Symphoniker. Dans les catégories audio et vidéo, 17 productions ont été récompensées, avec des artistes tels que Vilde Frang, Unsuk Chin, Anna Gourari, Marin Alsop, Andreas Scholl, Samuel Hasselhorn et bien d'autres.

Les lauréats recevront  les trophées ICMA lors de la cérémonie annuelle de remise des prix qui aura lieu à la Tonhalle de Düsseldorf, le 19 mars 2025. Cette soirée comprendra également un concert de gala auquel participeront plusieurs des lauréats et l'Orchestre symphonique de Düsseldorf sous la direction d'Ádám Fischer.

La liste des lauréats est publiée en ligne.

Hommages à Michelle Debra 

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La rédaction de Crescendo Magazine rend hommage à Michelle Debra, sa cofondatrice, avec la publication de ces témoignages.

Nous sommes le 16 juin 2012, le Conservatoire Royal de Bruxelles où je poursuis mes études, envoie un courrier à l’ensemble des étudiants pour annoncer un appel à candidatures : « Un défi à relever, l’occasion de partager… ! Crescendo recherche des collaborateurs(trices) à la rédaction… ». Aussitôt reçu, ce courrier éveille ma curiosité et me pousse à poser immédiatement quelques questions à Bernadette Beyne, alors Rédactrice en chef. La réponse arrive sans tarder : «n’hésitez pas à nous adresser vos questions, nous y répondrons bien volontiers et le plus rapidement possible ». Puis, c’est autour de Michelle Debra de m’écrire, suite à l’envoi de mon dossier, m’expliquant très simplement que ma candidature a retenu positivement leur attention et qu’elles souhaitent me rencontrer. Cela semble anecdotique, mais en réalité, ce premier échange de mails fut le point de départ d’une amitié de plus de 10 ans, avec ce sentiment d’avoir en face de soi des personnes bienveillantes, respectueuses et jamais dans l’excès. 

Il faudra néanmoins attendre le 17 août pour rencontrer ce duo infatigable. Dès mon arrivée, je suis frappé par l’accueil si chaleureux, comme si nous nous connaissions depuis toujours. Et alors que rien n’est encore convenu, Michelle pose en face de moi une cinquantaine de cd, des partitions, des livres… et me dit très naturellement : « faites le tri, prenez ce qui vous semble pertinent selon vos connaissances et on y va ». C’est le type de moment que l’on garde en mémoire. Tambour battant, je rentre chez moi, mon sac bien rempli, et je m’y mets donc immédiatement, tout en envoyant dans la foulée ma première liste de concerts que j’aimerais couvrir. Le premier « test » sera un concert de René Jacobs dans la Passion selon St Matthieu, « Je trouve que Jacobs est une jolie entrée en matière… » écrit Michelle, tout en m’indiquant la marche à suivre pour les Crescendiste. Bref, je n’aurais jamais imaginé me retrouver chaque semaine dans les plus belles salles d’Europe face à des artistes exceptionnels. L’exercice n’est pas aisé au départ, mais les mails d’aide et de soutien pleuvent. Être collaborateur à Crescendo, c’est être entouré d’une équipe qui n’hésite pas à prendre du temps pour accompagner ses collaborateurs, c’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui. 

Décès de Michelle Debra, cofondatrice de Crescendo-Magazine

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La rédaction de Crescendo Magazine a la douleur de vous faire part du décès de Michelle Debra, cofondatrice de notre média. Michelle et Bernadette Beyne avaient fondé, en 1993 Crescendo Magazine, initiative volontaire et courageuse dans le paysage médiatique et culturel pour contribuer au rayonnement de la musique classique dans le monde francophone, depuis la Belgique. 

Que ce soit  au temps de la version papier du magazine ou ensuite dans sa déclinaison intégralement numérique, Michelle était essentielle au fonctionnement de notre média,  “femme de l’ombre ou bras armé”, telle qu’elle se décrivait dans sa présentation sur notre site. 

Ses rôles étaient multiples : membre du comité de rédaction, secrétaire de rédaction, directrice commerciale, relectrice scrupuleuse, animatrice de la partie “journal” du site,...Des tâches "backstage" mais tellement vitales dans le fonctionnement d'un média.

Michelle était la coordinatrice des Reporters de l’IMEP, programme novateur et unique qu’elle avait initié avec Bernadette Beyne et Guido Jardon, directeur de l’IMEP permettant à des jeunes étudiantes et étudiants de l’enseignement supérieur musical de se familiariser avec la critique et de découvrir d’autres aspects du milieu professionnel.  

Avec Bernadette, elle avait été dans le cercle des médias fondateurs des International Classical Music Awards en devenant membre du bureau puis vice-présidente du Jury.

Droits voisins des musiciens du Belgian National Orchestra : la cession manu militari au profit de l’orchestre en passe d’être déclarée illégale ?

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Il y a tout juste un an, nous nous faisions l’écho dans ces colonnes du contentieux qui oppose le Belgian National Orchestra (BNO) à plusieurs de ses membres concernant la rémunération des musiciens liée aux exploitations commerciales de leurs prestations. Le litige est loin d’être anecdotique : il concerne rien moins que la question de savoir dans quelle mesure les droits de propriété intellectuelle des artistes interprètes ou exécutants employés en tant qu’agents statutaires peuvent être cédés contre leur gré, par voie réglementaire, à leur employeur. 

Un certain devoir de mémoire

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La récente publication du troisième volume des Écrits de Vincent d’Indy (édités par Gilles Saint Arroman chez Actes Sud) ramène sous le feu des projecteurs l’appréciation post mortem que l’on porte aujourd’hui à l’attitude de nos grands prédécesseurs. Attitude et grand : j’ai tout résumé. Jeter un regard objectif, dépassionné relèverait-il de l’impossible ? Nous avons connu les grands débats autour des musiciens compromis dans la tourmente nazie et l’Occupation en France, de Cortot à Furtwängler, de Germaine Lubin à Elisabeth Schwarzkopf, de Carl Orff à Richard Strauss et j’en oublie. Le 70e anniversaire de la disparition de Furtwängler a été marqué par un silence étonnant. Seuls les Chinois l’ont commémoré. La même réflexion s’appliquera plus tard à propos des artistes qui se sont rangés derrière les envahisseurs de l’Ukraine. Ce sont les générations suivantes qui feront le tri entre l’ivraie et le bon grain. Notre époque juge, elle tranche, sans trop réfléchir. Dans le feu de la passion, elle se veut libératrice des consciences et va souvent trop loin. Quant à la culture woke, on pourrait en parler longtemps. Que d’absurdités proclamées en son nom. 

Loin de moi l’idée de soutenir l’attitude des individus que je viens d’évoquer. Mais pourrait-on se priver de leur talent ? Im Abendroth de R. Strauss chanté par Schwarzkopf, Chopin sous les doigts de Cortot, Kempff caressant le clavier schubertien, Furtwängler empoignant la Cinquième de Beethoven. C’étaient tous des génies de la musique mais des individus médiocres, voire exécrables. C’est ainsi, et toutes les tentatives consistant à remettre les pendules à l’heure en fonction des paramètres d’appréciation du moment ne font qu’accroître la confusion.

Les finalistes des ICMA 2025

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Au terme de trois tours, le jury des International Classical Music Awards (ICMA) a choisi les parutions phonographiques et vidéograhiques en compétition pour le tour final 2025.

La liste initiale, qui comptait 374 nominations, a été réduite à trois œuvres par catégorie. Le lauréat sera choisi parmi ces trois finalistes. Les noms des lauréats, qui recevront leur trophée à la Tonhalle de Düsseldorf le 19 mars 2025, seront publiés le 14 janvier 2025.

Variations linguistiques

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Le chef d’orchestre suscite toujours beaucoup de curiosité. À quoi sert-il ? Comment travaille-t-il ? Faut-il beaucoup de répétitions pour monter un programme ? Avec ou sans baguette ? Et la question fondamentale : dans quelle langue répète-t-il avec les orchestres étrangers ? 

Élémentaire mon cher Watson : si c’est possible, dans la langue du pays ; mais, la plupart du temps, c’est celle de Shakespeare qui sert de vecteur universel, soigneusement massacrée, truffée d’italianismes et pimentée de quelques mots de la langue locale, ce qu’apprécient toujours les musiciens. Néanmoins, il y a des exceptions, certains musiciens maîtrisant parfaitement plusieurs langues étrangères : Igor Markevitch en parlait couramment sept, Yehudi Menuhin autant, aujourd’hui Daniel Barenboïm n’a rien à leur envier. Sans parler du sabir dans lequel s’exprimait Rostropovitch, véritable ratatouille russo-italiano-franco-anglaise. D’autres en pratiquent souvent deux ou trois. Et les jeunes générations qui ont étudié aux quatre coins de l’univers ont généralement un bon capital linguistique. Mais là n’est pas l’essentiel car un bon chef est un chef qui parle peu. Une répétition, c’est fait pour jouer, pas pour entendre des conférences. Il me revient toujours à l’esprit cette anecdote (véridique) concernant Nadia Boulanger, invitée à diriger un orchestre scandinave. Le programme était truffé de nouveautés, dont l’une nécessitait, à son avis, quelques explications. La voici partie dans une véritable analyse dont elle avait le secret. Mais les musiciens commençaient à s’ennuyer ferme, et ça durait, et ça durait. Au bout d’un certain temps, le deuxième basson se lève et demande très respectueusement : « Madame, à la onzième mesure, je dois jouer un si bémol ou un si bécarre ? ». Sans commentaire.

Saò Soulez-Larivière, l’alto conquérant 

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Saò Soulez-Larivière avait été le jeune artiste 2023 des International Classical Music Awards. Le jeune musicien est l’invité d’une tournée de concerts Rising Star organisée par l’association européenne des grandes salles de concert ECHO (dont le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles) où il sera en concert le 1er décembre prochain. En prélude à ce concert, Saò Soulez-Larivière s’entretient avec Crescendo Magazine. 

Vous êtes en tournée dans le cadre du programme Rising Star des grandes salles de concerts européennes avec un programme audacieux qui ressemble à une carte postale des XX et XXI siècles avec des œuvres de Ligeti, Reich, Hindemith, et une création de Julia Wolfe. L’alto est-il un instrument du futur ?

Absolument ! L’alto est particulièrement adapté à l’avenir : sa voix riche et profonde continue d’inspirer des œuvres audacieuses et expérimentales. C’est un instrument qui met au défi les auditeurs et repousse les limites de notre perception du son. Contrairement au violon ou au violoncelle, l’alto ne dispose pas d’un répertoire aussi vaste des siècles précédents, ce qui rend d’autant plus important de soutenir les compositeurs contemporains. Avec des œuvres comme Cloth de Julia Wolfe au programme, j’espère montrer comment l’alto peut être une voix puissante du XXIe siècle.

Au programme, il y a une création de Julia Wolfe. pouvez-vous nous en parler ? 

Je suis ravi de présenter en première Cloth de Julia Wolfe, une œuvre qu’elle a spécialement écrite pour moi et pour cette tournée ECHO. La pièce explore le son comme une expérience physique, presque tactile, et non pas comme une expérience unique, grâce à la présence de 8 autres « moi » qui se rejoignent par l’intermédiaire de haut-parleurs! L’alto devient une force vibrante et texturée, tissant des couches de son comme des fils sur un métier à tisser. Jouer Cloth, c’est comme entrer dans un espace où le son devient tangible, et je suis très heureux de partager cette œuvre extraordinaire avec le public.

Il y a également au programme,  la Sonate de Hindemith, un grand classique de votre instrument. Hindemith est un compositeur qui a toujours un peu peur et que le grand public associe à une image rigide. Comment casser ce cliché ?


Hindemith était un brillant compositeur et altiste, mais il était aussi enjoué, chaleureux et plein d’humour. Il avait un grand sens d’humour, comme en témoignent ses caricatures de sa femme Gertrud, qu’il représentait souvent sous les traits d’une lionne, son signe astrologique. Sa personnalité transparaît dans ses lettres, ses croquis et même dans ses partitions. Dans leur villa de Blonay, des lions ornaient les murs et le jardin, témoignant de ce côté ludique. La fascination d’Hindemith pour les chemins de fer révèle également sa curiosité enfantine ; j’aime l’image de lui en 1931, jouant joyeusement avec son train miniature. Quand on écoute la Sonate, on ressent son humanité et sa chaleur en même temps que sa rigueur. C’est ce que j’ai voulu apporter à cette performance : montrer le côté plus doux et plus humoristique d’Hindemith.

Les nominés 2025 des International Classical Music Awards

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Les International Classical Music Awards (ICMA) ont annoncé aujourd'hui les nominations pour leurs prix 2025, qui récompensent les meilleurs musiciens et enregistrements classiques. Parmi les nominations figurent de nombreux solistes, ensembles, chefs d'orchestre et orchestres de renom, ainsi qu'un grand nombre de jeunes musiciens, dont beaucoup sont nommés pour la première fois.

Au total, 374 productions audio et vidéo publiées par 117 labels d'Europe, d'Asie et d'Amérique du Nord ont été nominées. Pour consulter la liste, il suffit de cliquer sur le bouton « Nominations », qui vous conduira à des listes triées par labels ou par catégories.

Pour être nommée, une production doit être proposée par au moins deux membres du jury. Les labels les plus nominés sont Alpha, Harmonia Mundi, Naxos et Pentatone.

Caroline Potter à propos de Pierre Boulez, facettes d'un lion écorché dans le foisonnement intellectuel de ses jeunes années

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La musicologue Caroline Potter fait paraître un livre tant magistral qu'essentiel pour notre connaissance de Pierre Boulez :  Pierre Boulez: Organised Delirium aux éditions britanniques Boydell & Brewer. Ce livre passionnant nous plonge dans les jeunes années d’un Pierre Boulez étudiant au Conservatoire de Paris, mais cet ouvrage ne se cantonne pas à une simple biographie, il nous immerge dans le tourbillon du contexte artistique bouillonnant. On découvre ainsi des influences, passées jusqu’à ici inaperçues dans la construction intellectuelle du jeune homme, énergique et tempétueux comme un lion écorché.  

Votre livre se concentre sur les jeunes années de Pierre Boulez quand il était un jeune homme turbulent, dans le Paris d'après-guerre, et sur ses premières œuvres. Qu'est-ce qui vous a amenée à consacrer un ouvrage spécifiquement à Boulez et à cette période ?

Je peux faire remonter cette idée à un moment précis : le 6 octobre 2013 à Londres, Tamara Stefanovich a donné un récital de piano avec la monumentale Deuxième Sonate de Boulez (1948). C'était une performance extraordinaire. Ce qui m’a surtout frappée, c’est la force émotionnelle et déchirante de la sonate de Boulez et son impact bouleversant sur moi. Je me demandais déjà pourquoi ce que je connaissais de la littérature sur Boulez ne parlait pas de ce genre de réaction émotionnelle. Je n’ai jamais compris pourquoi on considère Boulez comme un compositeur cérébral et froid et à ce moment-là, je savais que j’avais quelque chose à dire sur sa musique et que j’écrirais un jour à ce sujet. 

Pourquoi cette période? Boulez n’était pas du tout un enfant prodige en musique, mais il est devenu le compositeur qu’on connaît étonnamment vite -la première œuvre qu’il reconnaît, Notations pour piano, date de 1945 et en 1946, il a écrit la première version du Visage nuptial. Et je montre que les idées qu’il a conçues durant cette période sont restées importantes tout au long de sa carrière de compositeur.