Décidément, Macbeth n'a pas de chance à La Monnaie

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© Bernd Uhlig

La production de Macbeth (Verdi), mise en scène par Warlikowski en 2010, était désolante, à mes yeux, et cette nouvelle mise en scène d'Olivier Fredj ne m'a pas davantage convaincu. Comment est-ce possible, alors que la pièce de Shakespeare reste l'une des plus extraordinaires qui soient, l'une des plus parlantes aussi, au-delà des siècles ? Je ne comprends pas. La faire se dérouler dans un hall d'hôtel, avec le personnel qui tient le rôle du choeur, est d'un éculé pas possible, et sans intérêt aucun. Certes, la cuisine équipée constitue un beau décor pour l'assassinat de Banquo, dont la tête apparaît sous cloche, au banquet. On dirait Iokanaan ! Les sorcières sont d'exquises danseuses, sans doute, mais pas vraiment horrifiques. Et tout est à l'avenant. Fredj est moins provocant que Warlikowski, mais aussi peu convaincant hélas. Seule la scène de Macduff, avec le choeur qui s'avance de la salle vers la scène ("Patria oppressa") est une vraie réussite, d'ailleurs très applaudie par le public. Heureusement, la partie musicale sauve le spectacle. Rappelons que La Monnaie a repris la version définitive de 1865, unanimement jouée de nos jours, hormis la scène finale de la mort de Macbeth sur scène, issue de la création de 1847. Nous avons donc eu droit au ballet intégral à l'acte III, pour notre plus grand bonheur, car l'orchestre de La Monnaie, dirigé par Paolo Carignani, s'est montré dans ses meilleurs jours, avec, entre autres, un pupitre de bois très enjoué (flûtes, bassons). Et la petite fanfare de la bataille finale était impeccable, bravo aux cuivres ! Familier de la scène bruxelloise, Scott Hendricks chantait un beau Macbeth, dès la rencontre avec les sorcières, jusqu'à son "Pieta, rispetto, amore" final. Particulièrement ressentis étaient les duos avec son infernale épouse, incarnée par la soprano bien connue Béatrice Uria-Monzon, très belle voix mais actrice moyenne, ce qui déforçait un peu le drame. Ainsi, la grande scène du somnambulisme s'est-elle révélée indifférente. Bon Banquo de Carlo Colombara, et surtout, superbe Macduff (même s'il n'a qu'un air) de Andrew Richards, le si beau Parsifal de la mise en scène de Castellucci en 2011. Même si le temps exécrable et la pluie tambourinant sur la tente de Tour & Taxis contribuaient à l'ambiance dramatique, cette première production de la nouvelle saison ne restera pas dans les annales. Décidément, Macbeth n'a pas de chance à La Monnaie.
Bruno Peeters
Bruxelles, Palais de La Monnaie, le 15 septembre 2016

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