Deux nouvelles merveilles du Festival de Lucerne

par

JOKERRobert SCHUMANN (1810 - 1856)
Concerto pour piano en la mineur op. 54
Philharmonia Orchestra, dir.: Carlo Maria Giulini, Annie Fisher (piano)
Ludwig van BEETHOVEN (1770 - 1827)
Concerto pour piano n°2 en si bémol majeur op. 19
Swiss Festival Orchestra, dir.: George Szell
2015-60'01''-Textes de présentation en allemand, anglais, français-Audite Historic Performances 95.643
Avec sa licence sur les enregistrements du Festival de Lucerne, Audite ne cesse de nous combler. Cette fois, encore, des cadeaux rares et précieux. Rares puisqu'Annie Fisher ne s'est produite qu'une seule fois à Lucerne, c'était en 1969, et que Leon Fleisher perdit le plein usage de sa main droite l'année suivant sa prestation au festival le 29 août 1962. Précieux parce qu'il est rare d'écouter une heure de musique... toute entière musique, d'un bout à l'autre. Accompagnée de Giulini et du Philharmonia en parfaite entente avec la soliste, Schumann est empoigné d'une main de fer, les deux accords inauguraux nous laissant entendre que nous ne resterons pas passifs à l'écoute, que nous serons au coeur d'un style concertant là où certains ont de ce concerto une vision  plus chambriste. Les tempi sont "puissants" dans le sens où ils véhiculent un grand souffle d'énergie soutenue par une pulsation rythmique en dynamique perpétuelle. Et puis, quelle sonorité ! Couleur, chatoiement, toujours expressive. Chaque moment est intensément vécu et conduit, tant musicalement qu'émotionnellement, ce qui mène -c'est un peu "la note Fisher"- à de petits décalages avec l'orchestre ou une note ou deux à côté. Mais qu'importe ? Qu'il est béni ce temps de l'interprétation non standardisée ! Dans son journal intime, Sviatoslav Richter écrivait : "Musicienne et pianiste splendide. "La grande Dame du pianoforte"... Annie Fisher est une grande artiste au long souffle et d'une profondeur authentique... Ignorons les quelques fausses notes (pardon)". Il regrettait de ne pas rencontrer plus souvent la "Grande Dame" mais quand ils se voyaient, ils parlaient musique : "Elle parlait vrai." L'entente entre le Swiss Festival Orchestra mené par George Szell et Leon Fleisher est moins complice; on peu aller jusqu'à dire qu'elle privilégie les contrastes mais finalement, cela sonne bien. Szell déploie un orchestre ample et bien présent auquel répond la sonorité lumineuse, ciselée et tout en délicatesse de Fleisher. Un cristal de feu. Un jeu qui, rappelle le texte de présentation, le conduit tout naturellement au Maître par sa filiation : Beethoven - Czerny - Theodor Leschetizky - Artur Schnabel - Leon Fleisher. Ici aussi, on est totalement capté par la beauté de la conduite du geste, de la phrase, du son, de l'écoute, du métier de "passeur" qu'est le pianiste. Un disque précieux, très précieux !
Bernadette Beyne

Son 8 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 10 

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