Die Zauberflöte à Liège : un enchantement plus visuel que musical

par

© ORW Lorraine Wauters

Une fois n'est pas coutume, voici une production dont la mise en scène se révèle supérieure à la réalisation musicale. Certes, on connaissait cette Flûte, c'est une reprise du spectacle présenté à l'ORW en octobre 2010. On reste toujours aussi enchanté par le monde onirique créé par le tandem Cécile Roussat-Julien Lubek. Tout l'opéra n'est que sortilège : celui d'un enfant reposant dans un grand lit, et les personnages de l'histoire surgissent, l'un après l'autre, des meubles qui l'entourent. Les images avaient frappé en 2010, elles frappent toujours cinq ans après : le serpent clignotant, les amusantes évolutions égyptiennes des trois dames, la poupée-crinoline de Pamina,  la bibliothèque des prêtres, le flamboyant costume "Révolution française" de Sarastro, les interventions des acrobates et funambules, tout est conçu pour l'étonnement constant du spectateur. Et tous les personnages se retrouveront à la fin autour du lit de l'enfant... L'imaginaire magique de La Flûte enchantée a rarement été aussi finement décortiqué et, à la sortie, l'enchantement se lisait sur le visage du public. Joli et merveilleux pouvoir des metteurs en scène.  Qui sait, les enfants, très nombreux, se souvenant du spectacle, demanderont-ils de revenir à l'opéra ? Voilà exactement le but de cette production. Au strict niveau musical, et c'est dommage, il y a quand même un peu à redire. Paolo Arrivabeni, chef maison, est moins à l'aise dans Mozart que dans Verdi, c'est sûr. L'orchestre est un rien étriqué, comme bridé : a-t-il peur de l'émotion ? Il manque d'allant, de naturel aussi, si évident pourtant chez Mozart, naturel qu'avait Patrick Davin en 2010.  La distribution ? Elle est correcte, oui, mais aucun soliste ne se montre vraiment transcendant. Même pas Anne-Catherine Gillet, engoncée dans sa robe. La voix est toujours aussi ravissante mais le rôle ne semble pas lui parler et Ach, ich fühl's, froid, indiffère. Seules les épreuves finales semblent l'émouvoir (Tamino mein ! O welch ein Glück !) mais c'est un peu tard. Le jeune ténor florentin Anicio Zorzi Giustiniani possède une jolie voix, et surtout l'endurance nécessaire à Tamino, rôle long. Solide Papagano de Mario Cassi, mais un peu trop neutre, il manque de faconde. La soprano turque Burcu Uyar est bien sympathique, mais est-cela que l'on demande à la Reine de la Nuit ? Où est la fureur ? Où sont la colère, la passion ? Mais les notes sont là. Tout le contraire de son "ennemi" Sarastro, bien incarné par Gianluca Buratto : les notes sont parfois plus évoquées que présentes, mais le caractère est trempé et le legato sonore et assuré. Les petits rôles étaient plutôt bien distribués, à commencer par le Monostatos (blanc, pas noir) de Krystian Adam, éblouissant dans son petit air Alles fühlt der Liebe Freuden. Les trois Dames emmenées par l'ex-Fille-fleur du Parsifal de Castellucci, Anneke Luyten, l'Orateur un peu effacé de Roger Joakim et la friponne Papagena d'Inge Dreisig tenaient bien leur place. Les trois garçons luttaient vaillamment contre la justesse. Bravo à Pierre Iodice dont les choeurs, très travaillés, ne se voyaient pas, étant confinés à l'arrière de la fosse. Mais peu importe ces quelques faiblesses musicales et, malgré le plateau inégal, l'enchantement était présent et la magie a opéré, c'est l'essentiel.
Bruno Peeters
Liège, Opéra Royal de Wallonie, le 20 décembre 2015

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