Entre flammèches et flamiche, les pétulantes sonates de Lamoninary

par

Jacques-Philippe Lamoninary (1707-1802) : Six Sonates pour deux violons avec la basse, œuvre Ier. Ensemble Hemiolia. Emmanuel Resche-Caserta, Patrizio Germone, violon. Claire Lamquet-Comtet, violoncelle. Takahisa Aisa, clavecin, orgue. Novembre 2021. Livret en anglais, français, allemand. TT 57’44. Passacaille PAS 1136

En 1707 naissait Michel Corrette ; Élisabeth Jacquet de La Guerre livrait sa collection de Pièces de Clavecin qui peuvent se jouer sur le Violon ; Antonio Stradivarius signait un violon qui deviendra le prestigieux « Hammer ». En 1802, Beethoven s’attelait à sa « Sonate à Kreutzer ». Entre ces deux années qui bornent presque un siècle se déploie l’existence de Jacques-Philippe Lamoninary. Concernant sa vie, on pourra se référer à cette notice de Philippe Perlot sur le site de l’ensemble baroque Harmonia Sacra. Le livret s’en inspire sans grande plus-value biographique, et sans aborder l’analyse esthétique que méritait la valorisation de ce rare compositeur.

Sa carrière se déroula sur une frange à l’extrême nord du pays, dans le bassin minier, entre l’Avesnois et Boulogne-sur-Mer où il mourut quasi centenaire, victime d’un certain oubli, dans des conditions plutôt misérables. Formé à Valenciennes où il se distingua comme violoniste de la Chapelle Saint Pierre, il naquit dans la ville de Maroilles dont depuis le Moyen-Âge l’abbaye affinait une spécialité laitière à croûte lavée, toujours célèbre de nos jours, voire sous des variantes locales aux qualifications peu engageantes (« puant de Lille »). Cette dimension régionaliste s’exprime sur la photo du digipack –on a échappé aux moules-frites.

Entièrement dédiée au Marquis de Cernay, lieutenant général des armées du Roi et fondateur d’une société houillère, son œuvre fut publiée jusqu’à Paris, sans qu’on sache dans quelle mesure rayonna sa notoriété. Au travers de quatre opus (sonates à deux violons, quatuors « en simphonie ») publiés en moins d’une vingtaine d’années, cette production exclusivement instrumentale reflète l’influence italienne et s’ouvre progressivement à la manière galante. Dont témoignent déjà les six sonates de 1749, incluant pour cinq d’entre-elles un Minuetto amoroso.

S’y exprime un style sûr et loquace à défaut de singulier, que les archets d’Hemiolia servent avec tact et assurance, accompagnés par un clavecin, et un positif du facteur Étienne Debaisieux, installé dans le Brabant wallon. On en goûte la sombre rumeur dans l’Adagio de la quatrième sonate, qui semble la mieux venue du lot, conclue par un Gratioso un poco allegro brodé de triolets. Réalisé dans le temple protestant d’Arras, l’enregistrement s’annonce en première mondiale. On aurait aimé davantage de recul, de transparence et de cohésion sur cette image sonore un peu compacte. Le livret précise que c’est Claire Lamquet-Comtet, violoncelliste de l’équipe, qui a coupé le fromage que l’on voit en couverture sur cette assiette en faïence de Tournai. On ignore qui l’a mangé.

Son : 7,5 – Livret : 8 – Répertoire : 7 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.