Halka de Moniuszko, enfin à Bruxelles

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Moniuszko est de ces compositeurs qui, révérés chez eux, ne sont au mieux que des noms une fois la frontière de leur pays franchie. Aussi, on ne peut que féliciter le festival Midis-Minimes d’avoir choisi -avec l’aide du Ministère polonais de la Culture souhaitant dignement marquer le bicentenaire de la naissance du compositeur- d’accueillir, pour clôturer cet été en beauté, une aussi intéressante que convaincante représentation en concert de la version originale en deux actes de Halka (créée à Vilnius en 1848), un opéra qui n’a cessé de figurer au répertoire des opéras polonais (mais dans sa version en 4 actes retravaillée pour la création varsovienne en 1857).

Une des causes de la méconnaissance de l’oeuvre de Moniuszko est certainement la provenance « périphérique » de celle-ci qui, bien que située en dehors du canon germano-franco-italien, n’est pourtant guère éloignée de ce qui se faisait ailleurs à l’époque en Europe. Quant à l’obstacle de la langue, il suffit de se rappeler -même si la phonétique du polonais n’est pas des plus aisées- qu’on a pris ces dernières années l’habitude d’entendre les opéras de Janáček, Tchaikovsky ou Moussorgsky chantés partout dans la langue originale.

Le livret de Wolski ne s’embarrasse guère de subtilités psychologiques (les paysans sont humbles et bons, la noblesse est perverse et ses moeurs corrompues) et nous montre Halka, jeune paysanne des Tatras, quittée -après qu’il lui a fait un enfant- par Janusz, son amant noble et sans conscience, qui s’apprête à convoler avec Zofia, une jeune fille de sa condition. Ne prêtant guère d’attention aux mises en garde de son ami Jontek (secrètement amoureux d’elle), elle nie d’abord l’évidence puis sombre dans la folie, concevant d’abord le projet d’incendier l’église où doit se dérouler le mariage avant de se suicider en se jetant dans la rivière. (On a curieusement l’impression d’être face à un brouillon du Jenufa de Janáček, mais qui se terminerait, comme la Katia Kabanova du compositeur tchèque, par la noyade de la protagoniste.)

Si l’intrigue rappelle beaucoup La Muette de Portici d’Auber, l’atmosphère générale participe pleinement de ce premier romantisme illustré par le musicien français mais aussi par Weber (dont la riche écriture orchestrale montre l’influence).

Les interprètes -tous polonais- conviés sur la scène du Conservatoire firent honneur à ce compositeur réputé à tort inexportable. On commencera par signaler la belle prestation de l’orchestre de la Capella Cracoviensis, qui -après des débuts un peu hésitants dans l’Ouverture- montra rapidement sa maîtrise des instruments anciens, sous la direction ferme et attentive de son chef Jan Tomasz Adamus. Quant au choeur de 16 chanteurs, sa prestation fut irréprochable. 

Du côté des solistes, c’est un plateau homogène et de belle tenue qu’offrirent les invités cracoviens. On saluera le solide baryton de Sebastian Szumski dans le rôle du velléitaire Janusz et le franc ténor de Przemyslaw Borys dans celui du brave Jontek. Mais la triomphatrice de cette soirée fut indubitablement Natalia Rubis. Outre une vraie présence scénique (et bénéficiant de l’expérience du théâtre dans ce rôle, à en juger par son recours très limité à la partition), la soprano offrit une superbe incarnation du rôle de Halka - médium crémeux, aigus sûrs, engagement dramatique sans faille.

Crédits photographiques :  Michal Ramus

Bruxelles, Festival Midis-Minimes, Conservatoire, 31 août 2019.

Patrice Lieberman

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